Avoir un coeur de pierre, Alwin en avait souvent rêvé. Au moins, il n'aurait pas souffert, d'ailleurs il n'aurait rien ressenti du tout. Pour un gamin comme lui, fatalement mal aimé par une famille qui n'avait jamais su le respecter, cela aurait été une aubaine. Il aurait pu se construire sans se demander s'il avait mal quelque part, si les mots qu'on pouvait lui dire étaient bien choisies ou non. Adieu la susceptibilité, adieu la rancune et surtout... Adieu le cour brisé. C'était bien là le coeur du problème: Alwin avait vécu la majorité de sa vie avec un coeur brisé et il n'avait jamais su comment on se remettait de ce genre de douleurs, peut être qu'en ayant un coeur blindé, de la pierre en lieu et place de ce coeur sensible qu'il avait, peut être que c'était la solution miraculeuse à tous ses maux. Il y avait pensé certains jours mais il en était arrivé à la pire des conclusions: ne rien ressentir, c'était ne pas vivre en somme. Que faire alors? Il valait mieux avoir mal, souffrir à en oublier tout, aimer jusqu'à perdre la raison et son coeur. Tout était bien mieux que d'avoir un coeur de pierre. Il voulait être quelqu'un, c'était ce que Daley avait toujours souhaité mais s'il se refusait à avoir des sentiments, comment aurait-il pu faire en sorte qu'on s'attache à lui? C'était simplement un risque à prendre, un risque qui payait parfois, qui payait surtout à partir de ce jour là parce que Cody aimait son coeur comme il était, même s'il n'était pas en pierre, même s'il avait été brisé par le passé, même s'il vacillait bien souvent. Elle était capable de l'accepter tel qu'il était, de l'aimer malgré ses défauts de fabrication et sa peur de finir en mille morceaux... Elle l'aimait comme jamais on n'avait pu l'aimer jusqu'ici parce que tous les autres individus de son entourage avaient un coeur d'acier par rapport à lui. On l'avait blessé, humilié, abandonné parce que c'était le propre de l'être humain: lorsqu'il n'avait plus besoin de quelqu'un, il préférait le laisser de côté et continuer son petit bonhomme de chemin en usant d'un autre caractère, d'un autre coeur vulnérable et c'était ce qu'il y avait de plus cruel dans ce monde. Tout se payait un jour, être solidaire, honnête et aimant ne voulait plus dire grand chose quand on vivait dans une société qui primait la perfection et la superficialité: tout n'était que coeur de pierre. On laissait des gens mourir dans la rue, d'autres se perdre dans les voies de la déchéance parce qu'on ne devait pas aider autrui si cela ne nous permettait pas de gagner quelque chose en retour. Tout n'était que rentabilité, finances et productivité: où était l'amour dans tout cela? Comment vivait-on quand on avait un coeur de verre au milieu de tous ces coeurs de pierre? On tentait de passer entre les mailles du filet, de faire comme si on avait un coeur de pierre nous aussi même si c'était le pire mensonge qu'on ait un jour à dire... C'était une question de survie, ce genre de mensonges étaient nécessaires si on ne voulait pas finir écraser par la brutalité de cet univers. Pourtant, au milieu de toute cette misère, Alwin avait trouvé Cody. Elle avait un coeur de verre elle aussi: elle avait souffert du manque d'un père, d'une mère qui n'avait pas su trouver les mots en introduisant une nouvelle famille dans l'équation, de cette solitude au milieu de tous ces coeurs de pierre. Elle était simplement parfaite pour lui, leurs deux coeurs pouvaient danser à l'unisson, polir ce verre là n'avait jamais été aussi simple pour que les deux pièces du puzzle forment un seul et unique tout. Une composition magistrale et rare dans un monde de fous, c'était Cody et Alwin. C'était l'histoire qu'ils faisaient naître depuis plusieurs jours.

Il n'y avait rien à jeter dans ce lien naissant, la magie était partout, dans chaque seconde qui s'égrenait autour d'eux. Il y avait des sourires, des rires, des gestes tendres, ce bien être qui ne pouvait certainement pas être plus au diapason qu'à ce moment là. Cette nuit avait été parfaite en tous points: Alwin avait dormi comme un loir après le moment d'amour qu'ils avaient pu partager, ce moment si joyeux qu'il n'avait pu que perdre pied de vivre tant de bonheur. Être avec Cody, c'était s'animer à la face du monde, se sentir plus vivant que jamais, sentir son coeur s'ouvrir à nouveau après tant de temps passer à hiberner. Finalement, ce n'était pas plus mal qu'Alwin avait laissé son coeur dormir durant quelques temps, il avait au moins pu le préparer à l'intensité de tous les instants qui naissaient avec la belle danseuse. Certes, il n'y avait rien d'évident quand on vivait quelque chose d'aussi fort pour la première fois de sa vie mais au moins, le brun était prêt à l'assumer. Pour être honnête, il était juste prêt à tout pour sa belle Cody: être là jour et nuit, la rassurer quand rien n'allait, l'aimer pour le meilleur et pour le pire... Oui, il était même capable d'imaginer une vie avec elle, une vie qui ne se terminait jamais, pas même après la mort parce que ce genre de voeux ne connaissaient pas de fin. L'amour n'en connaissait aucune, il y avait juste la magie de chaque émotion partagée, chaque seconde où la tendresse était présente, chaque sourire qui reflétait à quel point l'affection pouvait être immense. Alwin n'arrivait pas à mesurer les conséquences de ce genre de réalités parce qu'il avait beau été amoureux une fois auparavant, il n'y avait jamais eu des sentiments conséquents impliqués dans sa vie. Il découvrait tout, il se retrouvait de nouveau en position de novice mais étrangement, cela ne l'effrayait pas outre mesure. Il était même prêt à tout assumer, les bons comme les mauvais moments, les moments d'amour comme les disputes, les nuits avec elle et les nuits sans elle... Il était juste prêt à tout vivre avec elle et c'était la réalité la plus forte qu'il ait connu un jour. Alwin l'avait senti cette nuit là, la force de cet amour là, la douceur qui s'insérait dans chaque pore de sa peau alors qu'elle dormait dans ses bras. Il n'y avait pas de place pour la violence, la rancoeur ou l'espace vital, non bien au contraire, il était question d'être le plus proche possible d'elle, de toujours être au contact de sa peau, de la protéger et l'aimer même dans son sommeil. Ce sentiment n'avait pas énormément changé au réveil puisque l'instinct d'Alwin lui avait prié de lui préparer un petit déjeuner avant d'envisager le cours de la journée à venir. Ils étaient là, tous les deux, l'un à côté de l'autre, à plaisanter de l'hypothétique disparition d'Alwin de l'existence de Cody s'il devenait trop insupportable et le blanchisseur ne pouvait que rire en étant ému de ce qu'elle pouvait sous entendre. Elle le voulait pour un moment encore et il ne put que la regarder avec ce sourire amoureux, ce sourire qu'on ne donnait pas à tout le monde. Il n'était qu'à elle, tout comme sa personne toute entière lui appartenait désormais. Alwin arrivait aisément à envisager une vie de couple pour eux et ce, même s'ils n'y connaissaient encore franchement rien mais justement, c'était la charme de ce qu'ils vivaient. Tout était nouveau et tout allait continuer à l'être vu qu'Alwin hocha la tête en souriant face à sa remarque. La journée allait pouvoir débuter, s'ils arrivaient à sortir officiellement du lit et à accomplir les quelques tâches ménagères pour rendre la maison dans l'état dans laquelle ils l'avaient trouvée. "Je t'avoue que les comédies romantiques, c'est pas ma spécialité mais je compte sur toi pour m'enseigner tous les clichés, histoire que j'assure un minimum." A vrai dire, Alwin n'était pas le dernier des convertis en la matière, il avait toujours été curieux et il avait toujours voulu comprendre l'attrait de ce genre cinématographique. En attendant, il pouvait tout de même être le petit ami modèle avec Cody, il y arrivait même plutôt bien. "Se sauter dessus en toutes circonstances, c'est pas un cliché amoureux ça? Zut..." Il lui fit un clin d'oeil, juste heureux de pouvoir parler si librement avec Cody, sa petite amie, la femme pour qui il ferait tout. A l'heure actuelle, il devait être un homme raisonné et la laisser suggérer qu'il parte à la douche en premier pour éviter un surplus en termes de ménage. Il ne put que rire en s'éloignant parce qu'ils auraient certainement tout le temps d'expérimenter ce genre de dérives dans la salle de bain ou ailleurs. Bien vite, Alwin put retourner au ménage, attendant que sa jolie danseuse soit prête à son tour, ce qui ne tarda pas puisqu'il sentit ses bras l'entourer et ses lèvres venir déposer quelques baisers sur sa joue souriante. "Je crois que oui... La maison est plus ou moins propre, on n'a pas l'air d'être encore nus, on peut aller copier tous les clichés amoureux du monde.... Enfin, on est presque prêts." Effectivement, Alwin se retourna vers elle, posant ses mains sur ses joues pour venir l'embrasser tendrement, exprimant la force de ses sentiments dans simplement quelques douces secondes qui présageaient un tendre avenir. "Voilà, là, on est prêts." Et après être resté collé à elle une bonne minute, Alwin se poussa à se dégager pour lui tendre juste la main, prêt à voguer en harmonie avec Cody Lewington. Peu importait la destination du moment que le voyage était beau et il le serait, assurément.