Une journée normale, une journée presque comme toutes les autres. Tu avais commencé ta journée en râlant parce qu’il n’y avait plus rien dans les placards et que personne n’avait eu la bonne idée d’aller faire des courses - tu notais dans un coin de ta tête qu’il faudrait que tu passes par l’épicerie ce soir avant de rentrer. Tu avais loupé ton métro alors tu étais arrivée en retard à la boulangerie. Tu t’étais faîtes passer un sacré savon par ton patron avant qu’il ne finisse par passer à autre chose comme d’habitude. T’étais censée aller en cours après avoir bosser. Mais, pour une heure, tu n’avais pas envie de te déplacer. Tu n’avais jamais envie de te déplacer pour si peu. En plus, tu avais prévu la veille d’aller à la salle pour danser. Une bonne semaine que tu n’y étais pas allée, ça commençait à faire beaucoup. Beaucoup trop pour toi. Tu avais été habituée pendant des années à danser deux heures par jour. Tu avais passé ta vie à t’entraîner pour devenir la meilleure. Tu n’en étais plus très loin avant ce foutu accident. Accident qui avait changé ta vie du tout au tout. Ton genou était foutu, tu l’avais bien compris depuis trois ans. Tes ligaments ne se répareraient pas. Tu devais faire attention, tu ne devais pas forcer. Pourtant, tu n’écoutais pas. Tu faisais comme si rien était quand tu te mettais à danser. Mais, tu ne dansais plus autant qu’avant. Tu ne pouvais pas puisque souvent, quand tu rentrais après avoir dansé, il te fallait mettre de la glace sur ce genou qui devenait douloureux. Mais, ça ne t’empêcherait pas de continuer. Tu t’étais habituée à la douleur et tu finissais par espérer qu’un jour tu ne la sentirais même plus.

Comme d’habitude, tu n’avais rien prévu du tout et tu devais repasser par l’appart pour prendre ton sac de sport. Heureusement, ce n’était pas trop loin et tu n’allais pas perdre trop de temps. Tu ne savais si ton compagnon de danse était déjà arrivé à la salle. Après tout, vous n’aviez pas convenu d’heure la veille sur matchmaker. Tu étais encore surprise de l’avoir vu là-dessus. Tu ne savais pas que c’était son genre de traîner sur des sites de rencontre. En même temps, tu ne le connaissais pas bien. Puis, il fallait se méfier des apparences, toi non plus on ne pouvait pas s’imaginer que tu serais là-dessus. Tu n’y étais pas de ton plein gré. Mais, tu étais restée au bout du compte. Ce site n’était peut être pas si mal après tout. Ton skate en mains, tu pénétrais dans la salle. Il ne semblait y avoir personne pour le moment. Pour une fois, ce ne serait pas toi que l’on attendrait. Un miracle qui était à noter dans le calendrier. Tu t’étais changée rapidement aux vestiaires avant de pénétrer dans la salle. Tes affaires posées en bordel dans un coin, tu commençais un échauffement rapide. Tu savais précisément ce que tu faisais, tes gestes étaient sûrs. Tu avais fait ça tellement de fois dans ta vie que tu n’avais pas besoin de réfléchir, c’était un automatisme. Tes muscles prêts, tu lançais la musique et tu commençais à danser. Immédiatement, tous les soucis que tu pouvais avoir en tête s’envolaient. Il n’y avait rien d’autre que de danser. Tu te sentais libérée d’un poids Cody. Tu aurais aimé faire ça à longueur de temps. Tu voulais figer le temps et rester bloquée à ce passage où tu pouvais danser. La musique t’emportait, tu ne réfléchissais pas au pas. Tout ce que tu faisais, tu le faisais à l’instinct. Il n’y avait pas de chorégraphie précise, ça ressemblait peut être à rien mais tu t’en fichais bien. Tu voulais juste danser, danser sans penser, danser jusqu’à plus de souffle. Emportée dans ton monde, tu ne remarquais pas que tu n’étais plus seule. Chaque fois que tu dansais, tu ne voyais plus rien autour. Il n’y avait plus rien qui comptait. C’était la musique qui se terminait qui te faisait arrêter. Tu redescendais sur Terre en entendait d’abord des applaudissements.  « Merci, merci. » Tu faisais une révérence comme si tu étais une grande professionnelle venant de faire un spectacle. Seulement, ce n’était que vous deux dans cette salle. Tu te redressais, te dirigeant vers ton sac où se trouvait ta bouteille d’eau et tu buvais quelques gorgées. Ton regard sur lui, tu riais à sa plaisanterie.  « Ah bah si j’avais su, je me serais inscrite bien plus tôt. Quoique, tu crois que si je passe h24 là dessus, ça me fera encore progresser ? » Tu n’étais jamais la dernière à plaisanter. Tu étais loin de ceux qui prenaient la vie au sérieux. Tu n’avais jamais compris à quoi ça servait de se comporter de cette manière. La vie était bien trop courte pour se prendre la tête. Tu préférais mille fois prendre les choses comme elles venaient, improviser au jour le jour.  « Ah ouais tu crois ? » Un grand sourire s’affichait sur ton visage, la mère d’Alwin avait été l’une de tes danseuses préférée. Alors, ce genre de phrase ne pouvait que te faire plaisir. Enfin bon, tu avais tout de même pas mal perdu depuis quelques années sur ton niveau de danse. Tu n’aimais plus danser devant un public. Ton seul public était les personnes qui venaient danser en même temps que toi. Comme tu venais presque toujours le soir en semaine, Alwin était souvent le seul à te voir danser. Il était en train de s’échauffer alors que tu t’étais rapprochée de la sono. Vous n’alliez pas passer des heures à discuter si vous vouliez danser avant que la salle ne ferme. Si vous le souhaitiez, vous auriez tout le loisir de discuter après cette séance de sport.  « Tu m’dis dès que t’es prêt. » Tu n’attendais que son feu vert pour relancer la musique.

Tes souvenirs refaisaient surface dès que tu étais dans une salle de danse. Il y avait tant de choses dont tu te souvenais. Il y avait certaines choses qui étaient évidentes. Des automatismes que tu ne perdrais jamais. Pourtant, ce n’était pas gagné au départ pour que tu fasses de la danse. Trop indisciplinée, trop énergique, ta mère avait voulu te faire arrêter. Après tout, tu te faisais renvoyer presque à chaque parce que tu ne savais pas te tenir. Elle avait songé que tu ne l’étais pas parce que ça ne te plaisait pas. Elle avait pensé qu’arrêter serait le mieux pour toi afin que tu te trouves un autre sport dans lequel te défouler – parce que tu en avais toujours eu cruellement besoin. Seulement, si tu te comportais mal, c’était simplement parce que tu détestais les ordres. Tu n’aimais pas que l’on t’impose des choses. Les contraintes, tu le vivais toujours mal. C’était pour ça que ça c’était toujours mal passé à l’école aussi. La discipline, ce n’était pas pour toi. Pourtant, tu t’étais accrochée pour la danse parce que tu aimais ça. Tu avais fini par te plier aux règles qu’imposait la danse classique. Puis, il y avait ton esprit de compétition qui s’était développé. Pas question de laisser quelqu’un te surpasser, tu devais être la meilleure. Dans la danse, peu importe si tu devais écraser les autres. Tu voulais être repérée, tu voulais faire de la danse ta vie complète. Enfin tout ça, c’était jusqu’à ce que tu aies ton accident. Les choses étaient remises en cause. Il te fallait changer tes plans. Tout ce que tu avais pu imaginer ne se produirait jamais. Tu ne pouvais plus danser autant. Même si tu continuais de forcer sur ton genou, il t’avait fallu faire une croix sur tes rêves.

L’Alaska et tes rêves d’avant étaient bien loin maintenant. Tu avais tourné la page – difficilement – et tu avais entamé une nouvelle vie ici à New York. Pourtant, ça ne t’empêchait pas de continuer à danser pour le loisir. Ça te permettait de te vider la tête, d’arrêter de penser le temps de quelques heures. Après tout, ça ne faisait jamais de mal de mettre tout en pause et de ne penser à rien. De se libérer de ces chaines qu’étaient les obligations de la vie. Parce que même si tu aimais dire que tu vivais au jour le jour, que tu ne te prenais la tête pour rien, il y avait certaines choses auxquelles tu te devais de penser. Le loyer, tes cours, le boulot, appeler ta mère avant qu’elle ne débarque ici, tout ça faisait partie des choses auxquelles tu devais penser au quotidien. Mais quand tu dansais, tout ça n’avait pas d’importance. Ton spectateur semblait avoir apprécié ton improvisation et tu l’en remerciais. Tu ne savais pas depuis combien de temps il t’observait mais suffisamment assez pour avoir vu quelques pas. Tu en avais rajouté une couche avec ta révérence et il continuait sur la lancée. Une chose était sûre, tu prenais tous les remerciements, même quand c’était seulement pour la plaisanterie comme c’était le cas actuellement. Il supposait que l’inscription sur le site de rencontre qui avait initié cette séance de danse allait te permettre de progresser. « Je ne parierais pas, j’ai suffisamment donné en perdant pour le moment. » Tu secouais la tête un sourire malicieux sur le visage. Tu faisais clairement référence à ce pari perdu avec ta sœur qui t’avait conduit à t’inscrire sur Matchmaker. Finalement, ce site de rencontre n’était pas si mal. C’était certain que tu allais tomber sur des gens bizarres mais tu pouvais de bonnes rencontres aussi. La preuve, tu étais là avec Alwin et c’était cool. « Non vraiment, je pense qu’ils pourraient jamais me transformer en danseuse étoile. Y a bien trop de travail. » Tu disais ça sur le ton de la plaisanterie même si c’était évident que ça ne pourrait plus jamais se produire. Ta chance pour ça était passée. Ton genou n’était pas réparable mais ça tu ne voulais pas en parler. Tu n’aimais pas en parler parce que tu voulais que ça reste dans le passé. Ça ne servait à rien que de refaire l’histoire, elle ne changerait pas. « Exactement, tu ne te trompes pas. » Tu lui souriais. Ce qu’il disait là était exactement la façon dont tu voyais la danse. Ce n’était pas faire des choses au millimètre près sans émotion. Non, la danse était un art et il fallait y mettre toute sa passion, tout son cœur. Tu dansais chaque fois comme si c’était la dernière fois. Peut-être qu’un jour ça le serait. Peut-être qu’un jour ton genou te dirait merde et tu n’aurais plus le choix que d’arrêter. Tu espérais que ce jour n’arriverait jamais sauf que ce n’était pas une chose que l’on pouvait anticiper. Pour le moment, tout allait bien et tu voulais danser. Alwin était plus que prêt lui aussi et il te prenait de vitesse en allumant la musique avant toi. « Parfait alors. » Tu te laissais entraîner par le brun sans te faire prier. Ton corps prenait le dessus sur ton cerveau et tu te laissais guider par tes pas, guidée par la musique. La musique faisait tout, il fallait seulement suivre le rythme. Tu le regardais avec amusement faire une figure acrobatique. C’était le genre de choses que toi tu ne savais pas faire. « Il faut que tu m’apprennes à faire ça ! » Tu avais faire de la danse depuis dix-sept ans, tu avais encore beaucoup à apprendre. Et faire des saltos et tout ce genre de trucs en faisait partie. Enfin, tu n’étais pas reste non plus. Tu savais danser et tu le prouvais actuellement. Tu lui montrais tout tes plus beaux mouvements de danse. Au final, tu n’avais peut-être pas perdu autant que tu pouvais le pensais.

Deux à trois fois par semaine c’était le nombre de fois que tu passais par la salle de danse. Tu ne pouvais pas te permettre de venir plus souvent. Premièrement, tu avais tes études. Tu ne voulais pas te planter et il fallait que tu y consacres un minimum de temps même si tu n’étais pas fan de rester plusieurs enfermée dans une salle de classe. Heureusement que ce que tu étudiais te passionnait. Tu aurais lâché l’affaire depuis bien longtemps sinon. Deuxièmement, il y avait ton genou. En général, tu ne pouvais pas enchaîner deux jours de suite de sport. Chaque fois, le soir il te faisait souffrir et le soir la poche de glace devenait ta meilleure amie. Tu t’étais habituée à ce rituel. La poche de glace et les médicaments puis s’était reparti. Il fallait bien reconnaitre que parfois tu abusais beaucoup trop et tu boitillais pendant quelques jours. Il t’arrivait même d’être incapable d’utiliser ton skate. Enfin malgré tout ça, tu n’arrêtais pas. Tu continuais, tu étais une acharnée Cody. Le seul moyen de t’empêcher de danser serait probablement que tu te retrouves en fauteuil. Quoique, ça ne t’empêcherais pas de bouger le fauteuil au rythme de la musique. Tu avais la danse dans la peau. Ça t’était impossible d’arrêter. Danser était tout aussi vital que de respirer pour toi. Tu t’arrêterais lorsque tu serais sous terre.

Les paris, c’était toujours mauvais pour toi. La preuve, tu avais perdu le dernier que tu avais fait. Tu t’étais retrouvée à devoir t’inscrire sur Matchmaker. Mais, ce n’était pas tout puisque ta soeur savait que tu ferais en sorte de la prendre au mot et te contenter juste d’une inscription avant de finalement supprimer l’application sur ton téléphone. Elle avait donc attendu que tu commences une première discussion. C’est seulement à ce moment là qu’elle avait finalement fini par te laisser tranquille. C’est qu’elle était têtue la plus vieille des Lexington. À croire que c’était une marque de fabrique de la famille parce que tu l’étais aussi. Peut être un petit moins qu’elle tout de même. Et, tu t’étais laissée prendre au jeu de Matchmaker après ta première conversation - qui n’avait pas été spécialement top soit dit au passage. Tu avais trouvé ça drôle de discuter avec des gens comme ça, via écran interposés. Mais, tu n’allais pas te trouver le grand amour comme l’espérait ta soeur. Parce que oui, c’était pour que tu te cases qu’elle avait voulu que tu t’inscrives. Seulement, tu n’étais pas du même avis qu’elle. Tu n’avais pas ce besoin d’être en couple pour être heureuse. Tu l’aimais bien comme ça ta vie. Tu avais ton indépendance et de compte à rendre à personne. Tu t’amusais la nuit, rencontre d’un soir et dès le lendemain matin, tout était oublié, tu retournais à ta vie.  « Ouais, j’supporterais pas de perdre une seconde fois. Et tu risquerais de flipper en voyant mon esprit de compétition. » Tu étais très, très mauvaise perdante. Et encore, ce n’était même pas suffisant pour dire à quel point tu détestais perdre. Plusieurs fois petite, tu avais fait voler les plateaux de jeux de société parce que le jeu ne tournait pas en ta faveur. Lancée dans la compétition, tu n’avais qu’un seul objectif : gagner. C’était pour ça que c’était mieux de ne pas commencer. Surtout, que tu faisais toujours la tête pendant un moment après chaque défaite. Heureusement, il y avait toujours la nourriture pour t’appâter et que tu arrêtes tes gamineries. Parier ce soir, il n’y avait pas vraiment de chose que vous pourriez parier. Tu contentais d’hausser les épaules pour montrer que toi non plus tu n’avais aucune idée. Pas besoin de parier ce soir, vous alliez seulement danser et c’était un programme qui te plaisait bien plus. Les conseils, tu considérais qu’ils étaient toujours bons à prendre. Sauf que celui qu’il venait te donner, il faisait mal. L’équilibre, tu l’avais eu il y a quelques années. Il avait été parfait. Mais maintenant, ton genou t’empêchait d’avoir cette équilibre. La douleur était toujours là, elle ne partait plus. Et, tu ne pouvais plus travailler là-dessus.  « Mmh… » Tes dents venaient torturer ta lèvres inférieure. Il ne savait pas, tu ne lui en voulais pas te dire ça. Tu étais certaine en plus que ça ne partait pas d’une mauvaise intention. Heureusement qu’il était temps de danser et pas de parler de tout ça. Tu n’avais aucune envie de donner des explications sur le pourquoi tu ne retrouverais jamais un bon équilibre. De l’équilibre, lui en avait pour réussir de tels acrobaties. Toi, tu en étais bien incapables. Peut être n’étais-tu pas assez courageuse pour tenter de telles choses. Tu n’étais même pas certaine de pouvoir y arriver un jour.  « Ouais ça s’rait cool d’apprendre. Je te donnerais quelques conseils si tu veux. » Tu lui souriais avant de te mettre à rire alors qu’il ne réussissait pas à faire de pointe sans perdre l’équilibre. Il se rattrapait à toi avant de refaire un salto. Alwin était un vrai acrobate.  « J’suis sûre qu’avec de l’entrainement, t’aurais été doué. Tu t’en sors déjà pas trop mal, mis à part les pointes. » Tu souriais malicieusement alors que la musique prenait fin. La chanson qui suivait n’était pas franchement dans le même style. Pas très adaptée à faire du classique dessus. [color=palevioletred] « Non pas vraiment, j’ai jamais testé. » Tu ne te voyais pas vraiment faire du cha cha, de la salsa ou un truc comme ça. Ton regard posé sur le brun devant toi, tu pouvais admirer ses mouvements de hanches en riant. Il faisait référence à votre conversation de la veille sur Matchmaker.  « Effectivement, elles semblent super solides. J’crois que tu devrais songer à te trouver une partenaire une partenaire de danse et j’suis sûre que tu ferais une carrière de dingue dans le cha cha. »

Les responsabilités ne pesaient pas sur tes épaules ici. Il n’y avait pas à réfléchir. Tu aimais mettre ton cerveau en pause le temps quelques heures. Il faut dire que même si tu te la jouais cool, ce n’était peut être pas si simple. Tu avais une tonne de boulot avec tes cours. Du boulot sur lequel tu prenais pas mal de retard parce que tu étais très mal organisée et que tu aimais repousser les choses au lendemain. Tu étais probablement trop feignante pour te mettre réellement dessus. Puis, parfois tu avais des pannes d’inspiration pour tes photos. Parfois, les sujets étaient trop banals ou trop étranges pour que tu réussisses quelque chose. Encore une fois, on t’imposait quelque chose et ça ne te plaisait pas. Tu ne voulais pas que l’on te dise comment faire les choses. Pourtant, tu en avais besoin. Tu avais besoin d’apprendre quelques techniques supplémentaires. Tu avais besoin d’acquérir des compétences que tu n’avais pas encore et que seul le travail te permettrait d’avoir. Pour la danse, tu avais fini par comprendre que tu devais écouter. Pour la photo, même en entrant en troisième année, ce n’était pas encore ça. De toute façon, tu n’aurais probablement pas repris les cours après ton accident si ta soeur ne t’y avait pas poussée. Maintenant que tu y étais retournée, tu savais que tu n’avais pas le choix que de réussir sinon tu décevrais tout le monde. Tu préférais éviter ça. Niveau responsabilité, il y avait aussi cette colocation. Tu devais chaque fois penser à ce loyer qui arrivait toujours bien trop vite. Ce loyer que souvent, tu mettais du temps à payer parce que tu avais dépensé plus que ce que tu n’avais. Tu réfléchissais rarement sur tes dépenses et tu te retrouvais bien peinée par la suite. Heureusement que vous aviez un propriétaire plutôt cool qui tolérait tes retards de loyers. Tu aurais peut être sûrement été virée depuis longtemps de l’appartement autrement. Heureusement que la danse était là pour que tu puisses te vides la tête de temps à autre.

Tu l’observais, impressionnée par ses acrobaties. Tu aurais pu te poser par terre pour le regarder encore faire. Bien que, tu étais probablement incapable de rester sans bouger alors qu’il y avait de la musique. Déjà qu’en temps normal, tu avais beaucoup  de mal à rester sans rien faire. Ou alors, il te fallait de la nourriture pour compenser. Oui, il n’y avait que lorsque tu mangeais que tu savais te tenir calme et ne pas bouger particulièrement. C’était pour ça qu’il te fallait toujours quelque chose à grignoter quand tu étais devant la télé. Tes colocataires l’avaient compris puisque si tu n’avais rien, tu les embêterais en parlant ou en changeant de position toutes les trente secondes. Quelque chose histoire de bien gâcher le film. Là dans la salle, tu pouvais bouger sans déranger personne. Tu étais ici pour danser et tout le monde comprenait que tu le fasses.  « Ouais complètement ! T’es libre quand la prochaine fois ? » La patience, ce n’était pas vraiment ton fort. Tu avais envie d’apprendre tout ça et tu ne voulais pas que cette séance soit programmée dans trois mois. Cette fois, tu ne voulais pas attendre d’être sur Matchmaker pour vous organiser un moment où danser. En plus, Alwin dansait très bien et tu aimais partager ce genre de moment avec lui. D’ailleurs, tu le lui disait qu’il dansait bien - si on faisait abstraction des pointes évidemment. Il n’avait pas d’ambition pour faire carrière dans la danse, il te le disait. Mais peu importe, ça ne changeait rien au fait qu’il s’en sortait très bien. Danser sans faire attention à rien, c’était ce que tu aimais le plus. Ne pas réfléchir aux pas, seulement faire ce que son coeur nous dictait. Tu aimais danser de cette manière, c’était quelque chose de libérateur. Le ridicule, vous vous en fichiez bien ici. Il n’y avait pas de jugement sur la façon de danser de l’autre. Les rires n’étaient pas moqueurs, aucunement.  « Tu devrais t’y mettre aussi vu comme tu swingues bien. » Ton rire empli la salle alors que tu l’observais bouger ses hanches. Il venait alors saisir tes mains, t’entrainant comme sa partenaire. Tu le laissais faire, toujours avec tes rires qui résonnaient dans cette salle.  « J’aurai pu être coincée avec pire que toi, j’ai aucunement à me plaindre. » Un sourire était plaqué sur tes lèvres. La musique stoppait ce moment de cha cha. Le silence remplissait de nouveau la salle. Quoi faire maintenant ? C’était ton estomac gargouillant qui venait te donner la réponse. Tu n’avais pas mangé depuis le midi - ce qui était très long pour toi - il allait falloir que tu remédies à ça. Tu passais une main dans tes longs cheveux bruns pour les replacer correctement avant de proposer à Alwin :  « Ça t’dirait d’aller manger un morceau ? » Ton portable sorti de ta poche, tu constatais d’ailleurs que la salle n’allait pas tarder à fermer. Tu n’avais pas fait attention à l’heure depuis que tu étais arrivée. D’ailleurs, ça t’avait semblé avoir duré à peine une seconde. Le temps avait filé à toute allure. Mais, tu ne voulais pas rentrer tout de suite et l’idéal était de reprendre des forces en mangeant un morceau. Avec ou sans lui, tu irais manger de toute façon.

De longues et belles histoires d’amour digne d’un conte de fée ou une d’une de ces séries télé que tu n’appréciais pas des masses, tu n’en avais jamais eu. Alors non, tu n’étais pas là en train de pleurer toutes les larmes de ton corps parce que tu n’avais pas rencontré le prince charmant. Tu n’en avais pas envie. Tu ne voulais pas t’enfermer dans une relation. Tu ne voulais pas t’attacher. Avec le temps, tu avais appris que rien n’était éternel. Tu savais que tout prenait fin un jour. Tu l’avais vu avec ton père. Il avait été le premier amour de ta mère, son grand amour. Leur histoire était digne d’un film. Ils s’étaient rencontrés à douze ans, mis en couple à quinze pour ne jamais se quitter par la suite. Enfin, ça avait duré quelques années mais sûrement qu’ils avaient été trop heureux alors le destin avait décidé de ne pas les laisser. Le destin était venu reprendre ton père alors que tu n’étais qu’un bébé. Une tempête, la disparition du bateau et une famille détruite. Tu n’avais eu conscience de pas grand-chose à cette époque là. Tu étais bien trop jeune pour comprendre ce qui se passait. Tu avais seulement réclamé ton père pendant plusieurs mois avant de finalement, comprenant qu’il ne reviendrait pas. C’est seulement quelques années plus tard que tu avais pu connaitre la vérité. Pendant ce temps, ta mère avait été détruite. Elle avait eu du mal à s’en remettre et pourtant elle s’était relevée. Elle avait fini par comprendre que sa vie n’était pas terminée même s’il lui manquerait comme une partie d’elle. Elle avait fini par ressortir et rencontrer un nouvel homme. Elle avait refait sa vie. Mais ta mère avait réussi parce qu’elle était forte. Bien plus forte que toi. Tu venais tout juste de cicatriser de ta blessure concernant la danse. Il n’était pas nécessaire que tu en ouvres une nouvelle en t’attachant trop à quelqu’un pour le perdre ensuite. Tu aimais ta vie comme elle était actuellement. Tu t’amusais, tu profitais sans attache.

Tu avais toujours aimé profiter de l’instant présent sans te poser de questions. Il n’y avait pas de contraintes, que des libertés. Tu t’amusais, tu ne réfléchissais. Tu n’avais jamais aimé réfléchir longuement, te poser des questions avant d’agir. Non, tu fonçais dans le tas, tu réfléchissais après. Tu réfléchissais toujours que c’était trop tard. Souvent, le mal était fait et tu ne pouvais plus revenir en arrière. Tu étais la reine des mauvaises décisions, mais tu arrivais toujours à t’en sortir. Tu étais plutôt débrouillarde. Tel un chat, tu faisais en sorte de retomber sur tes pattes. Enfin des fois le chat avait besoin qu’on lui mette une bonne tape d’arrière la tête pour se bouger. Cette danse improvisée était l’occasion de ne pas réfléchir. Cette fois, il n’y aurait pas de mauvaises décisions. Il n’y avait pas de décisions à prendre tout court. C’était un moment sans prise de tête comme tu les aimais. Vos rires emplissaient régulièrement la pièce. Que ce soit à cause de vos mots ou de vos gestes, vous étiez en train de rire. T’être connectée à Matchmaker hire soir avait été une bonne idée. Sans ça, tu te serais probablement entraînée seule comme tu avais l’habitude de le faire. Ton prochain entraînement ne se passerait une nouvelle fois pas seule. Vous étiez en train de prévoir le moment où tu apprendrais le hip hop. Il te demandait si tu étais dispo en début de semaine prochaine. D’aussi loin que tu te souvenais, tu n’avais rien de prévu. « Ouais j’crois que c’est bon. Enfin, pas trop intensif non plus, j’suis vieille maintenant j’vais pas m’en remettre sinon. » Tu riais, comme si à 21 ans tu pouvais être considérée comme vieille. Enfin, même si tu n’étais pas si vieille, tu ne pouvais pas faire d’entraînement intensif. Ou alors, tu ne marcherais plus pour le reste de la semaine. Tu préférais éviter cette option. Pirouettes et autres pas de cha cha avait fait leurs débuts. Ça ressemblait plus à un gros n’importe quoi plus qu’à une danse mais tu t’en fichais bien. Il n’y avait pas de juges, pas de spectateurs. Juste les deux gamins que vous étiez s’amusant sur la musique. « Vraiment j’suis super chanceuse. Bien que, j’pense que je serais pas restée dans la même pièce que quelqu’un avec une hygiène super douteuse. » Encore une fois, tu riais avec lui. Vu l’heure, vous aviez suffisamment plaisanté dans cette salle. Il fallait bouger avant que l’on ne vous mette à la porte. Il mourrait de faim alors ton idée de manger un morceau était parfaite. Vos deux estomacs allaient en être ravis. « Parfait ! Puis comme tu m’payes à boire je peux pas refuser. » Un petit sourire malicieux sur le visage et tu allais récupérer tes affaires. Le fastfood était à dix mètres de la salle alors vous ne perdiez pas un instant pour vous y rendre. La commande passée, ton verre offert comme promis et vous vous installiez à une table un peu isolée. L’emplacement parfait pour discuter sans que quelqu’un vienne se mêler à la conversation. Tu les avais en horreur ces personnes là et tu leur faisais bien comprendre. Alwin reprenait la conversation en te demandant ce que tu faisais encore sur Matchmaker. Tu haussais les épaules face à sa question. « A vrai dire, je me pose aussi parfois la question de pourquoi je reste là-dessus. Mais au final, c’est pas si mal, ça permet d’occuper mes soirées vides. Non non, pas des centaines de prétendants. Ou alors, ils sont bien cachés. » Tu souriais à la fin de ta phrase. Tu étais loin d’avoir le succès qu’il pensait que tu avais. De toute façon, c’était quelque chose qui t’étais égal. On pouvait s’intéresser à toi que tu n’étais pas fichue de le remarquer parce que tu n’étais pas dans cette optique à trouver quelqu’un pour partager ta vie. Tu te contentais de ce que tu avais, tu contentais de soirées passées dans les bras d’inconnus quand tu en ressentais le besoin. « Et toi, qu’est-ce que tu fais sur Matchmaker ? »