“i do a thing called what the fuck i want”

Elle était en retard. Anna n'était jamais en retard et ça n'avait rien d'un euphémisme. Elle n'était jamais en retard parce qu'elle était soigneusement organisée, suivait un programme rigoureux. Une première et unique alarme à six heures, un café juste derrière puis une demi-heure à courir autour du quartier, à suivre le même itinéraire depuis des années. Une douche rapide ensuite, un smoothie et un deuxième café, avant de monopoliser la salle de bains pour quelques dizaines de minutes. Tout était préparé, réfléchi, chronométré. Il n'y avait pas de place pour le retard.

Et pourtant, Anna était en retard. Légèrement mais suffisamment pour la perturber et transformer ce début de journée en vague désastre.

Son smoothie du matin dans une main, son sac dans l'autre, elle dévala les escaliers deux marches par deux, une flopée de jurons colorés s'échappant de sa bouche. En retard, for fuck's sake, ça ne lui arrivait jamais. Et il n'y avait rien de grave, rien d'important à propos de cette journée. Elle n'avait pas de rendez-vous important, pas d'audition, pas d'interview, aucun souvenir désagréable ni anniversaire déplaisant. Non, elle ne s'était simplement pas réveillée. Ça arrivait à tout le monde, semblait-il. A tout le monde mais pas à Anna et c'était suffisant pour déjà transformer cette journée en désastre.

Mais l'univers avait un drôle de sens de l'humour ou simplement une dent contre elle, et ce réveil raté n'était que le début, à en juger par l'homme en uniforme à deux pas de sa voiture. Anna s'arrêta net en le voyant, avec un soupir furieux. Difficile de croire qu'il était là pour jeter un coup d'oeil, même si elle était d'un naturel optimiste. Elle savait qu'elle s'était mal garée en rentrant, la veille, qu'elle n'avait absolument rien à faire là mais tourner une demi-heure dans le quartier pour trouver une place adéquate ne lui avait pas semblé nécessaire. Peut-être aurait-elle dû y réfléchir à deux fois, au lieu de se ruer sur l'espace de livraison. « Ecoutez officier, je- » Elle s'interrompit en arrivant à sa hauteur. Merde, elle le connaissait. Enfin, connaissait, c'était un bien grand mot mais ça tombait mal, très mal. « Seth ? » fit-elle, éberluée, une fois que son prénom lui revint en mémoire. Non, vraiment, ce n'était pas sa journée.