Eoin avait quitté l’appartement depuis quelques semaines. Il avait pris sa décision sur un coup de tête. Tu n’avais pas trop compris. Pourquoi comme ça, pourquoi d’un coup ? Pourtant venant de lui, ce n’était pas si étonnant. Il avait toujours été secret. Celui qui ne se confiait pas, celui qui avait des problèmes mais qui ne voulait jamais en parler. Tu avais appris à faire avec, tu étais quand il avait besoin comme tu étais toujours là pour tes amis. Tu étais l’oreille attentive, celle qui essayait d’aider les gens même si ses conseils n’étaient pas terribles. Tu l’aurais écouté Eoin s’il en avait eu besoin. Tu l’aurais conseillé s’il en avait eu envie. Parce qu’il avait eu une part importante dans ta vie. Parce que tu avais vécu pendant deux ans avec lui. Il y avait ces soirées que tu ne pourrais pas oublier. Des soirées entières à débattre sur des sujets stupides. Des nuits à essayer de comprendre pourquoi il se lançait dans quelque chose pour ne jamais le terminer. La batterie dans le salon était l’un des vestiges de ses passions éphémères. Cette batterie qui trônait toujours ici parce qu’il n’avait pas pu l’emmener avec lui. Tu ne savais pas où il était allé. Il avait quitté la ville et tu n’en savais pas plus. Eoin restait ce mystère imperceptible. Il le resterait pour toujours.

Malgré le choc de son départ, il avait bien fallu trouver quelqu’un pour reprendre sa chambre. Vous n’aviez pas la possibilité de déprimer sur son départ pendant des mois et des mois. Ton salaire de vendeuse en boulangerie était loin de te permettre d’assumer la part du loyer d’Eoin et il était hors de question de demander un coup de main à ta mère. Tu avais refusé de lui demander quoique ce soit depuis que tu avais emménagé à New York. Tu lui avais causé suffisamment d’ennuis quand tu vivais avec elle. Il était donc temps de t’assumer toute seule. Des petites annonces dans la journal, des annonces laissées chez les commerçants, c’était comme ça que vous aviez décidé de trouver un remplaçant à Eoin. Du monde avait répondu à l’annonce. Pas mal de gens bizarres qui avaient été écartés de suite. Tu partais du principe qu’il fallait un minimum d’entente pour réussir à vivre au quotidien avec quelqu’un. Tu n’étais pas la personne la plus chiante à supporter au quotidien, tu râlais seulement beaucoup quand il n’y avait pas à manger. Tu étais du genre à passer ton temps à manger alors quand les placards étaient vides, ça avait le don de t’agacer. Malheureusement, vu que vous étiez très mal organisés, ça arrivait très souvent. Mais bon, tu râlais dix minutes puis ça te passait. Tu passais à autre chose rapidement puisqu’après tout ça ne servait à rien de rester en boucle. Aujourd’hui c’était le jour où votre nouveau colocataire allait faire son arrivée. Tu étais certaine que ça se passerait bien. Tu avais plutôt un bon instinct, tu ne pouvais pas te tromper. Du moins, tu ne l’espérais pas. Tu te retrouvais toute seule pour l’emménagement de Louis. À croire que votre autre colocataire avait trouvé bien mieux à faire. Tu essayais de ranger un peu le bazar qui trainait à droite et à gauche. Même s’il comprendrait vite que l’appartement n’était jamais réellement bien rangé. Tu étais devant la télé, Zelda ton chat sur les genoux, quand entendit toquer à la porte. Ça ne pouvait qu’être Louis et tu t’empressais d’aller lui ouvrir.  « Salut ! Vas y entres, fais comme chez toi vu que c’est chez toi en fait maintenant. » Tu riais en te poussant de l’entrée afin qu’il puisse passer. Tu ne savais pas trop comment accueillir quelqu’un vu que c’était une première pour toi. Tu avais été la dernière à emménager ici mais ça datait tellement que tu ne te souvenais même de la façon dont ça c’était passé. T’allais bien t’en sortir. Il fallait juste que tu n’oublies pas certaine. Comme donner les clés de l’appartement à Louis.

Tu avais emménagé dans cet appartement il y a deux ans pour fuir la vie parfaite que ta soeur s’était construite. Tu avais bien vite compris que tu étais un poids dans sa vie bien trop parfaite pour te faire une petite place. Tu avais trouvé cette colocation parce que tu étais bien incapable de vivre toute seule. Toi qui n’avait jamais quitté le cocon familiale, tu n’étais pas capable de te jeter tout de suite dans la vie seule. Une trop grosse indépendance pouvait faire peur. Vivre avec des gens, c’était aussi avoir l’opportunité de discuter de tout et de rien après une longue journée. La possibilité de ne pas se retrouver seule entre quatre murs. Tu étais tombée sur cette perle en fouillant dans les petites annonces. Immédiatement le courant était passé avec les deux qui allaient devenir tes colocataires. Une bonne ambiance immédiatement s’était installée malgré quelques prises de becs concernant les courses ou le ménage. Ça ne durait jamais bien longtemps. De caractères plutôt faciles tous les trois, les choses s’étaient faîtes naturellement. Ta place était faîte tout de suite même si tu étais la plus jeune, même si tu étais la dernière à débarquer. Tu avais creusé ton trou et au final, tu n’avais aucune envie de partir. Tu étais capable de t’imaginer ici pour plusieurs années encore. Mais, tu le savais, rien ne durait.

Tu en avais la preuve encore aujourd’hui alors que la petite colocation perdait l’un de ses membres. C’était inattendu et il avait fallu réagir vite si vous ne vouliez pas vous retrouver à la rue. Plusieurs petites annonces postées un peu partout vous avaient permis de rencontrer plusieurs personnes. Aucuns n’avaient convenus jusqu’à ce que vous rencontriez Louis. Le courant passant bien, il était prévu qu’il ne mette pas trop de temps pour s’installer. L’installation était prévue pour aujourd’hui et tu te retrouvais toute seule à gérer. Fallait l’avouer, c’était le genre de chose qui mettait pas mal la pression. Tu n’avais jamais fait ça avant et tu n’étais pas sûre de savoir t’y prendre. Heureusement, tu étais loin d’être la fille super timide qui galère à articuler trois mots à quelqu’un qu’elle ne connait pas bien. Au contraire, tu avais toujours été du genre trop bavarde. Tu parlais trop, tu parlais d’autant plus quand la situation t’échappait. C’est d’ailleurs tout sourire que tu allais accueillir le nouvel arrivant, commençant directement à trop parler. Enfin, il ne semblait pas t’en tenir rigueur, riant même avec toi des quelques mots prononcé.  « Le plaisir est partagé Louis. » Tu n’avais pas oublié son prénom. C’était, semblait-il, un bon point. Louis était charmant et tu étais certaine que la colocation se passerait bien. Tu avais plutôt un bon instinct en général et tu espérais qu’il ne te tromperait pas sur le coup. En tout cas, pour le moment, les choses se passaient plutôt bien.  « Merci. C’est pas l’grand luxe mais on se sent bien ici. Je suis sûre que tu t’y sentiras bien. » L’appartement n’était pas le plus beau, il n’était pas le plus grand non plus même si vous aviez chacun votre chambre, mais il restait confortable et agréable à vivre. Du moins, tu le trouvais toi. Si ce n’était pas le cas, tu aurais sûrement fui depuis.  « Ouais. Mais t’en fais pas, c’est pas parce qu’il voulait pas te voir ou j’sais pas quoi. » Ton colocataire avait seulement trouvé une activité plus importante sans que tu ne saches quoi. De toute façon, vous n’étiez pas du genre à vous fliquer. Chacun faisait sa vie comme il l’entendait. Ton regard se posait sur le buffet où se trouvait les clés de l’appartement. Il te fallait les donner à Louis.  « Tiens, je te donne les clés avant d’oublier. D’ailleurs, t’as besoin d’un coup de main pour monter tes affaires ? » Tu détestais te sentir inutile alors, c’était tout naturellement que tu lui proposais ton aide. C’était aussi un bon moyen de commencer à créer des liens et de ne pas seulement être deux étrangers qui partageaient un même appartement.

Ce n’était jamais chose aisée que d’apprendre à vivre avec de nouvelles personnes. Surtout pas quand tu ne connaissais pas les gens. Mais, tu étais suffisamment sociable pour t’y faire sans trop de difficultés. Puis, ce que Louis allait vivre en débarquant aujourd’hui, tu l’avais vécu il y a quelques années quand tu avais été la dernière à t’installer dans l’appartement. Mais, tu avais su faire ton trou très rapidement. Tu t’étais habituée tellement rapidement à ce lieu qu’on avait cette impression que tu avais toujours vécu ici. Il fallait bien avouer que tu avais été tellement contente de prendre enfin ton envol que tu avais tout fait pour que les choses se passent bien. Ok, tu adorais ta sœur mais vivre avec elle pendant plusieurs avait clairement été un enfer. Tu t’étais sentie de trop dans cet appartement parce que tu venais complètement chambouler sa vie, une vie dans laquelle tu n’avais pas de place. Du moins, pas une aussi grosse. Tu te contentais de voir ta sœur une fois dans la semaine maintenant et c’était bien suffisant. Même si tu l’adorais et qu’elle était probablement la personne la plus importante dans ta vie, vous n’aviez clairement pas la même vision des choses et encore moins la même façon de vivre. Toi, tu étais bien moins ordonnée qu’elle, bien plus tête en l’air et surtout, tu restais une gamine quand elle était une adulte. Heureusement, ici ton caractère ne posait pas de problèmes. Tout le monde s’était habitué à ta mauvaise humeur du matin ou à tes plaintes quotidiennes. Parce que tu étais ce genre de fille qui râlait beaucoup. Mais, tu passais tout aussi vite à autre chose. Tu n’étais pas particulièrement chiante à vivre. Du moins, tu essayais de t’en convaincre et tu comptais sur les personnes vivant avec toi pour te remettre sur le droit chemin si ça en devenait nécéssaire.

Tu te retrouvais toute seule aujourd’hui pour accueillir Louis. Votre autre colocataire était parti tu ne sais où, il ne t’avait pas franchement prévenue. Ici, chacun faisait sa vie et il n’y avait pas besoin de se fliquer. Tu étais la première à disparaitre des fois et tu aimais cette sensation de ne pas être surveillée. Un petit sms pour savoir où tu avais disparue et pas de harcèlement si tu ne répondais pas, ça t’allait bien. Tu sentais tout de même nécessaire de rassurer Louis sur le fait que ce n’était pas son arrivée qui faisait fuir l’autre personne avec qui vous viviez. Et, il ne le prenait pas mal. Cette cohabitation avait donc tout pour bien fonctionner. Parce que oui, tu étais convaincue que vivre avec Louis se passerait à la perfection. [color:8e0b=palevioletred ] « C’est normal que je sois là. C’était pas mon chien ou mon chat qui allaient t’ouvrir la porte. » Tu lui souriais gentiment. Puis, ça te semblait tout naturel d’être là pour lui donner ses clés ou lui filer un coup de main pour son emménagement. Cette aide que tu lui offres, il l’accepte alors que tes yeux restent toujours posés sur lui sans comprendre pourquoi il y avait besoin de faire vite. Après tout, il avait sûrement son camion à rendre dans peu de temps, voilà l’explication. Tes yeux s’ouvrent un peu plus grand alors qu’il te fait la révélation de ce besoin de faire vite. Tu n’en reviens pas et tu en restes même muette. Ce qui est une première pour toi la bavarde. Tu comprenais mieux d’un coup l’embarras qu’il te montrait depuis plusieurs secondes. « Ca va alors si cette dame n’a rien. Ça aurait été vraiment bête que tu t’attires des problèmes. Et j’suis certaine qu’elle ne pourra que te pardonner après que tu lui aies refait ses courses. » Tu lui souriais avec gentillesse. Après tout, la dame n’avait rien alors pas besoin d’en faire un scandale. D’autant plus qu’il allait lui refaire des courses. Tout était bien qui finissait bien. « Je valide à 1000% ! Rien de mieux qu’un apéro pour bien fêter ton arrivée. » C’était un grand moment dans la vie de tout le monde l’arrivée de Louis. Il fallait marquer ça et improviser ce petit apéro te semblait idéal. « Allons décharger ton camion rapidement comme ça on pourra passer aux réjouissances plus rapidement. » Tu riais légèrement alors que tu enfilais vite fait une paire de baskets qui trainaient dans un coin histoire de ne pas avoir à descendre pieds nus. Plus vite le camion serait vide, plus vite vous pourriez vous poser sur le canapé, un verre à la main et des gâteaux apéro dans l’autre. Un programme bien plus sympa en définitive.