Jackson esquissa un sourire, avant de carrément rire, quand Samuel prit un air faussement choqué suite à son imitation – des moins fidèles à son petit ami. Son rire s’estompa toutefois bien vite quand le jeune homme se justifia, en relevant des points qui n’étaient que trop vrais. Jackson ne pouvait pas lui reprocher de vouloir partir tôt, ou même de ne pas vouloir rester à dormir de peur de se coucher trop tard, parce que Sam vivait à un rythme de vie effréné, et il allait se brûler la chandelle par les deux bouts. « Je sais bien, je sais bien. J’disais pas ça pour te faire un reproche ou d’quoi. Fais attention quand même, deux boulots, deux mecs, tu finiras par ne plus avoir de temps pour toi. » Jackson tentait de se reprendre, il savait que même si Sam avait son grand sourire aux lèvres, il devait quand même s’expliquer concernant cette petite blague, cette imitation. Il ne voulait quand même pas que Sam pense qu’il ne lui était pas du tout reconnaissant pour les sacrifices qu’il faisait pour eux, parfois. Un quart de travail de plus au café, ou un contrat de court-métrage de plus, tout ça pour pouvoir payer le restaurant à ses deux hommes. C’était bien un des désavantages d’avoir deux copains, quand on décidait de les gâter, la facture triplait au lieu de doubler comme dans les relations plus usuelles. « Si tu fais ça, j’fais la grève du sexe pendant une semaine. » Le menaça-t-il quand lui-même le menaça de le réveiller à six heures du matin, la prochaine fois. Il ne savait pas si son chantage allait atteindre Samuel d’une quelconque façon, après tout, si Jackson ne s’offrait plus à lui, il n’aurait qu’à aller voir Flynn ou même complètement ailleurs. Un autre désavantage, de leur ménage à trois : ne jamais se considérer comme réellement spécial aux yeux des deux autres. Il savait que c’était faux, il savait qu’il comptait énormément autant pour Flynn que Samuel, mais Jackson avait quand même ses remises en question, parfois. Bref, les deux hommes passèrent à la cuisine pour manger au moins un peu avant de passer aux choses sérieuses. Avec l’énergie dépensée pendant son spectacle et celle qu’il s’apprêtait encore à épuiser, Jackson allait avoir besoin de quelques calories. Jacks éclata de rire à l’allusion de l’acteur. « T’es crade, tu l’sais, ça ? » Fit-il remarquer en riant, un peu trop, tout en sortant deux bols pour accompagner l’éventuel repas improvisé. Tous les deux concentrés sur le contenu du réfrigérateur, l’acrobate demanda à son partenaire s’il avait envie de quelque chose. Lui, bien sûr. « Oh, je t’en prie, ne te retiens pas pour moi. J’aime tes phrases salaces, surtout quand elles me visent … » Jackson continua à rire en levant les yeux au ciel avec humour quand Samuel lui demanda d’éviter de parler de vomi, au risque que le drapeau soit mis en berne. « Petite nature … » Ils se servirent finalement une boîte de conserve, le contenu réchauffé dans le micro-ondes, rien à voir avec de la haute gastronomie mais ça suffirait pour ce soir. « Comme ça toi tu seras parti et c’est moi qui serai pris à la faire tout seul … » Releva Jackson avec un petit regard accusateur, mais amusé. « Et je la ferai avec plaisir, parce que ce ne sera qu’un maigre prix à payer pour la nuit que tu me feras passer … » Il esquissa un sourire avant de se lever et d’aller porter leurs bols et ustensiles dans l’évier, avant de revenir vers Samuel, de l’amener à se lever à son tour pour que ses lèvres retrouvent plus facilement les siennes. Il pressa son corps contre le sien, collant le bas de son ventre à celui de Sam, sans jamais lâcher ses lèvres.   

Si ça ne le dérangeait pas, c’est lui qui voyait. Il était vrai que parmi les trois hommes qui formaient ce couple atypique, il n’y en avait pas un seul qui prenait énormément de temps pour lui. Ils menaient des vies qui les obligeaient à vivre à cent mille à l’heure, ils étaient partout en même temps et c’est ce qui faisait en sorte qu’ils avaient bien du mal à se retrouver tous ensemble, bien souvent. Ce soir en était encore une fois la preuve, puisque Flynn manquait à l’appel. Pour Jackson, ce mode de vie lui convenait parce qu’il passait son temps à vivre sa passion, alors il ne voyait pas vraiment cela comme un emploi du temps chargé et demandant, juste comme une vie épanouie. Il doutait que Samuel prenne autant son pied en servant du café aux gens, mais s’il le prenait quand il était devant les caméras, alors ça compensait. Jackson ne comprenait franchement pas comment il faisait pour être à ce point à l’aise et heureux là-dedans mais ça, c’était une toute autre histoire. Quand il fut question de grève du sexe, Samuel n’hésita pas à revenir à l’attaque avec le fait que c’était déjà un peu ce qu’il faisait, quand il partait en tournée comme il venait de le faire. Jackson eut un léger rire, coupable. « C’est un peu ça, ouais. Mais là c’était involontaire. T’façon comme tu dis, si ça devait être volontaire, j’tiendrais pas. Heureusement que j’pourrais aller voir ailleurs pour tenir plus qu’une heure, même, hein … » Avoua-t-il avec un léger rire, d’abord amusé puis bien gêné. Pourtant, il n’avait pas à l’être quand venait le temps de parler des autres, parce que cette décision avait fait consensus, même que c’était lui qui s’était montré le plus réticent à être ainsi ouvert même aux autres. Il n’avait donc pas à s’en vouloir de tenir de tels propos. Ils étaient tous au courant. Quand Samuel proposa de remettre la vaisselle à demain, Jackson ne put s’empêcher de le narguer un peu en lui faisant des commentaires accusateurs. Le tout avec amour, évidemment. « J’aimerais bien que tu la fasses, complètement nu. » Proposa-t-il, même si Jackson savait fort bien que Samuel était prêt à faire un max de choses sans ses vêtements, mais pas la vaisselle. Avec ou sans vêtement d’ailleurs. « Tu peux rester jusqu’à vingt-deux heures si ça te chante mais moi à seize heures je suis parti. J’ai une autre représentation, demain, j’te rappelle. » C’était le début d’une longue série, et même si ça pouvait être fatiguant rien qu’à s’imaginer, Jackson avait hâte de vivre ce rythme effréné. Il ne dormirait pas beaucoup, il allait devoir veiller à son alimentation, s’entraîner mais pas trop, bref c’était tout un équilibre à trouver pour pouvoir passer à travers la saison. Bref, trêve de bavardage : ils avaient mieux à faire. Samuel prit sa main pour l’attirer avec lui vers la chambre, puis vers le lit. Ils s’embrassaient, se caressaient, se faisaient languir puis se jetaient l’un sur l’autre quand la tension était trop forte. À un moment toutefois, alors que leurs bassins étaient collés l’un à l’autre et qu’ils sentaient auparavant l’érection de l’autre contre eux, celle de Samuel se fit un peu moins … présente. L’acteur s’écarta alors, s’asseyant au bord du lit, le dos tourné, un oreiller serré contre lui. Jackson resta un moment couché sur le dos, stupéfait, avant de se relever légèrement. « Hé, babe. Qu’est-ce qui va pas ? » Il allait s’en prendre une, Jacks, à demander ce qui n’allait pas alors que c’était bien évident. Il s’approcha de Samuel et posa doucement sa main sur son dos, à la hauteur de ses omoplates. « Ça arrive, tu sais, même aux meilleurs – et j’parle bien de toi, là. Faut pas bouder pour autant. » Manque de tact, encore une fois. Souligner le fait qu’il boude n’était sans doute pas la meilleure façon de le réconforter.

Il trouvait la réaction de Samuel exagérée, Jackson. Peut-être parce qu’il n’accordait pas autant d’importance que ça à la sexualité, même s’il prenait à chaque fois son pied, même s’il sautait sur Flynn ou Sam dès la seconde où il les voyait, il savait aussi se distancer de ce plaisir de la chair. Il savait prendre du recul par rapport à toute cette domination, cette masculinité qu’ils devaient sans cesse se prouver. Il savait que Samuel aussi, sans doute, était capable de mettre de côté le sexe pour un peu d’affection bien simple, bien pure, mais cette baisse de régime qu’il voyait visiblement comme un échec semblait quand même l’atteindre plus que de raison. Ils auraient pu s’aimer autrement, se combler de caresses et de baiser, laisser leurs mains et leurs bouches faire le travail, Jackson n’y aurait vu aucun inconvénient, au contraire, ils se seraient redécouverts de multiples façons. Peut-être était-ce en raison de son emploi, à Sam, le monde de la pornographie qui mettait tellement l’accent, tout le temps, sur la pénétration. Sur des queues bien grosses, bien raides, qui se tendaient vers l’autre comme l’ultime signe de désir, de plaisir. Il y avait de quoi se laisser emporter par de telles pensées, à force de reproduire ces images pour les pervers derrière leurs écrans. Et pervers, Jackson ne le pensait pas péjorativement, pas vraiment, ou alors il s’insultait lui-même. Bien sûr qu’il avait déjà regardé quelques pornos, il s’était même risqué à en regarder certains dans lesquels Samuel jouait. Il n’avait pas aimé l’expérience, il n’avait pas retenté. Ce n’était pas le genre de scénario qui l’allumait. Sans doute qu’au fond, Jackson était juste un grand romantique qui se cachait un peu trop bien, qui se voilait la face dans une relation qui lui apportait un peu de tout à la fois. Attentionné et à l’écoute de Sam, Jackson s’était approché de lui en douceur, lui demandant ce qui n’allait pas, même s’il avait tout deviné. « Te fâche pas, s’te-plaît. J’cherchais juste à savoir si y’avait quelque chose derrière. » Le stress, la nervosité, la fatigue, n’importe quoi pouvait jouer là-dessus. Jackson n’était pas étranger à ce phénomène, lui qui s’entraînait comme un malade avait souvent quelques difficultés à se laisser submerger par la vague d’excitation. Surtout quand il était avec quelqu’un d’autre que Flynn ou Samuel, d’ailleurs. Comme quoi, il s’était véritablement attaché à eux, à eux oui et pas qu’à leurs corps, aussi magnifiques soient-ils. Samuel le repoussa doucement tout en s’allongeant sur le dos, tirant sur la couverture pour se cacher le bas du corps, sous le regard triste de Jackson. « Tu penses vraiment que j’raconterais ça à Flynn ? Sérieux, Sam, j’aurais aucun intérêt, aucun plaisir à faire ça. C’pas parce qu’on est trois qu’il faut tout se dire, tout partager. Tu peux me faire confiance, j’espère que tu le sais, ça. » Dit-il en s’allongeant à son tour, sur le côté, face à Samuel, la tête surélevée par sa main. « T’sais, y’a d’autres moyens de profiter l’un de l’autre … » Ajouta-t-il ensuite, laissant les doigts de sa main libre parcourir le torse nu de l’homme, un petit sourire se dessinant au coin de ses lèvres alors qu’il tentait de rallumer la flamme de la passion.

Il n’avait jamais pensé, Jackson, se retrouver dans une situation où c’était lui le plus sentimental, lui le plus près de ses émotions. Lui le plus susceptible de se faire briser le cœur. Des années auparavant, quand il était sur les bancs d’école, on aurait rapidement pu croire qu’il n’en avait pas ; de cœur. Il piétinait les autres pour oublier qu’on lui réserverait le même sort en rentrant chez lui. Il envoyait promener ceux qui se mettaient sur son chemin parce qu’il avait l’impression de ne pas pouvoir emprunter une autre direction. Jackson avait énormément changé, et sa relation avec Flynn et Samuel y était pour beaucoup. Ils lui avaient permis de réaliser qu’il n’y avait pas de mal à être comme il était, contrairement à ce que son père lui avait toujours laissé croire, fait croire. Peut-être était-ce pour cette raison, d’ailleurs, que Jackson se sentait aussi près de ses deux hommes, qu’il développait des sentiments bien plus profonds qu’une relation aussi libertine pouvait parfois venir chambouler. Il leur devait tellement, et encore plus à Samuel, parce que c’était d’abord lui qui avait posé son regard sur sa personne et l’avait pris sous son aile, pour lui faire comprendre qu’il n’avait plus à se cacher. Qu’il pouvait aller plus loin encore. Jackson le lui rendait bien, tout ça, d’ailleurs. Juste là, alors qu’il lui affirmait qu’il pouvait lui faire confiance, alors qu’il se montrait si doux et compréhensif de cette situation qui ne leur était jamais arrivée auparavant. Il aurait pu se couvrir de doutes, Jackson, en se disant qu’il n’excitait plus Samuel, qu’il n’était plus assez. Mais non. Il les laissa de côté, ceux-là, et réconforta Sam. « Tu m’étonnes, que c’est d’la fatigue. Va falloir que tu te ménages, un peu … ou alors que je te force à le faire. » Mentionna-t-il en laissant un sourire courber le coin de ses lèvres alors qu’il s’allongeait aux côtés de son homme. Il lui ferait un massage, il serait aux petits soins, de maintenant jusqu’au moment où il allait malheureusement devoir partir pour ses entraînements. Pour l’instant toutefois … l’idée de faire l’amour avec Samuel trottait encore dans la tête de Jackson, et il n’était pas prêt à passer à autre chose, pas après autant de temps passé avec lui. « Ce serait … très cruel. » Lâcha-t-il alors que la main de Sam venait d’emprisonner son sexe. Il ferma les yeux, laissant la vague de chaleur partir de son bas-ventre pour venir réveiller tout son corps. Sentant fortement l’extase approcher, Jackson retira la main de son amoureux et vint se positionner par-dessus lui, plongeant son regard dans le sien alors qu’il laissa sa main caresser sa peau, non loin de ses fesses. « Laisse-moi te faire l’amour, s’il-te-plaît … » Souffla-t-il doucement, sachant fortement qu’avec Samuel ce n’était pas gagné d’avance. « C’est moi qui t’en supplie … c’qui veut dire que c'est toi qui domine … c’est toi qui me contrôle, Sam. » Ajouta-t-il, lui montrant pleinement l’emprise qu’il avait sur sa personne.

Jackson soupira, doucement, à la réplique de Samuel sur son horaire surchargé. Il devait souvent prendre sur lui, Jacks, pour ne pas se fâcher, pour ne pas lever le ton alors qu’il savait bien que l’argumentaire ne mènerait à rien. Il n’était pas, ou alors n’était plus, une personne qui aimait chercher les embrouilles. Surtout pas avec ceux qu’il aimait. Ça l’angoissait, ça le revirait complètement à l’envers et il avait déjà bien assez de son père mourant pour le faire culpabiliser à mort – sans mauvais jeu de mot. Jackson n’avait donc pas envie de se prendre la tête avec Samuel, surtout pas ce soir alors qu’ils se retrouvaient après des mois et des mois passés en ne se voyant que pour quelques heures ou alors en ne se parlant que par téléphone ou vidéo. Il refoula donc son envie de lui crier qu’ils pouvaient juste fermer la lumière et dormir dès maintenant, si c’était ce que ça lui prenait pour retrouver toute son énergie à laquelle il semblait tant tenir. Il voulait lui gueuler qu’il essayait juste d’être gentil, Jackson, et qu’il n’était pas en train de l’obliger à annuler tous ses quarts de travail pour dormir mais bien de relaxer, ne serait-ce que dix minutes. L’envie de lui faire un massage était tout d’un coup passée bien loin derrière, même s’il savait fort bien, Jacks, que ça lui reviendrait dans quelques minutes, quand son impulsive colère lui serait passée. « D’accord … Promis, je ne te garderai pas éveillé toute la nuit, même si j’en aurais envie. Et tu pourras te reposer demain, aussi … T’auras qu’à rester même si je pars, si ça peut te permettre de dormir un peu plus longtemps. » Il la ferait seul, la vaisselle, c’était bien loin d’être un problème. Ce qui se passait présentement entre Sam et lui prenaient davantage des airs de problème. Même après que son amoureux ait quand même décidé d’offrir à Jackson un peu de réconfort à travers sa main qui s’occupait de son sexe, l’acrobate n’arriva pas à le faire capituler plus que ça. Ses paroles, que Jackson pensait capables de convaincre Samuel, eurent l’effet tout contraire. L’homme sembla presque vexé qu’il utilise un tel argument. Jackson haussa les épaules, esquissant un sourire, tentant de ne pas laisser son visage se décomposer sous la déception. « C’est pas un argument, c’est la vérité. J’tente juste de te faire comprendre que ça n’a pas une aussi grande signification que tu le penses … » Être en-dessous, ça ne rimait pas avec une totale perte de contrôle de soi-même, du moins pas quand Jackson était sur le dessous. Il était à l’écoute, il était doux, attentionné. Jamais, oh non jamais, il ne voudrait réduire cet échange à un état bestial où le confort de Samuel ne serait plus respecté. Il aurait espéré qu’il le savait, ça, mais visiblement ça n’était pas assez. Alors pourquoi Flynn arrivait-il, lui, à le faire se retourner pour lui ? Samuel lui demanda alors une bonne raison d’accepter ça, ce qui blessa Jackson même s’il ne l’avoua pas sur le moment. « Pour me faire plaisir ? » Demanda-t-il, mais sans pour autant faire les yeux doux. Non, même que, dans son ton de voix, on pouvait facilement ressentir une pointe de peine.