the story of love.
Une décoration sympathique, une ambiance chaude et l'odeur d'un bon p'tit repas flottait dans l'air. J'étais seule dans mon appartement, j'avais pris ma journée de demain au travail, spécialement pour ce soir. Pourquoi ? Parce que cette soirée devait être spéciale. J'y avais pensé durant des semaines, pourtant j'aurais dû savoir que plus on prévoit quelque chose, moins ça se passe comme on le veut. Oui ce soir était une soirée spéciale.. Deux ans avec le garçon que t'aime, ça se fête hein. Et pourtant bordel.. Ni mon poulet mariné et ni ma lingerie hors de prix n'avait daigné le faire venir ce soir. Je tournais dans l'appartement, j'en perdais l'appétit. Pas de nouvelles de lui et mes nombreux messages pour le prier de venir restaient sans réponses. Je savais qu'il ne se souviendrait pas de cette date. Quel gars s'en souviendrait ? Mais là, ça faisait des jours que je le bassinais pour venir ce soir. Il s'était engagé.. Mais son retard m'en faisait douter.
Je perdais patience, continuais d'envoyer des messages. Sans succès. La déception pouvait presque couler sur mon visage. M'affalant sur le canapé, je sortais un vieil album. Le genre d'album photo immense qui représentait une vie. J'avais la patience de le compléter depuis des années..
Ma mère sur chacune des premières photos. Le souvenir d'une enfance un brin chaotique. Un père déserteur face à une mère dépassée par ses démons intérieurs. Au bien sûr les photos sont belles et ne laissent rien paraître, c'est tout l'intérêt. Qui aurait cru que cette femme allait basculer dans la schizophrénie ? Parait-il qu'une maladie mentale peut se développer chez n'importe qui à n'importe quel âge. On naîtrait avec et c'est la vie et ses épreuves qui l'activerait avec plus ou moins de facilité . J'en avais vu des conférences là-dessus. Pour comprendre.. Ou pour mieux chercher des excuses à ma mère. Des excuses pour ses violences, pour ses absences ou encore pour son manque de considération envers tout ce que je faisais pour elle. Mais c'était comme par vagues.. Je veux dire que parfois, après ces phases délirantes, elle pouvait être très cohérente et attentive à moi. Surtout après ses hospitalisations à vrai dire. Personne ne pouvait lui payer un établissement spécialisé qu'elle méritait.. Alors j'ai appris à faire avec, trouvant des parades avec le temps lors de crises.
Les Banks.. L'une de ses parades consistait justement à me planquer chez eux. J'étais assez amie avec les sœurs Banks, plus timide avec le seul garçon. Ryder Banks.. Soit quasiment 55% de cet album photo. J'ai de suite flashé, à même pas 8 ans. C'est malheureux à dire mais c'est justement nos malheurs qui nous avait rapproché. Il perdait un an plus tard sa mère et niveau organisation familiale j'avais toujours était servie.. Alors on s'est lié d'amitié. Une amitié grandissante d'année en année et bien sûr pour moi, c'était tout autre. La bonne copine qui rêve d'un peu plus soit l'histoire de mon adolescence. Mais la persévérance avait réussi hein. A notre majorité ça s'était concrétisé. J'avais réussi en plus mes études avec un an d'avance, décrochant la bourse maximale.. Bref tout semblait partir sous de meilleures hospices.
La nourriture, le maintient en forme, l'équilibre alimentaire.. C'était quelque chose qui m'avait toujours parlé. J'avais du m'occuper de moi et me faire à manger très tôt mais ça n'avait jamais été un supplice, bien au contraire. Partir en diététique me semblait une voix logique à suivre. Je continuais alors mes études tout en travaillant.. Pourquoi ? Pour cumuler avec mes bourses, un salaire suffisant pour payer à ma mère un établissement spécialisé dans la région. Le choix avait été dur. Mais après de longues discussions et des instants de lucidité.. J'avais convaincu ma mère d'intégrer cette structure. Une fois la maison revendu, j'avais de quoi subvenir à peu près aux besoins de ma mères et moi. Je louais mon studio et servait au bar du campus. Le rythme était compliqué mais Ryder était pour m'épauler et je pouvais compter sur pas mal de bons amis. De belles photos résumaient ça, mes collègues de promotions, mes amis du bar.. Ma mère qui reprenait ses esprits et se régulait.
Et là, la vie semblait plus simple. Je finissais mes études sans encombres, ma mère allait bientôt sortir (bien sûr en étant toujours suivi).. Plus besoins de petits boulots car on m'avait vite embaucher à l'essai dans le milieu du sports. Basketteurs et autres équipes sportives avaient besoin d'un bon planning nutritif que je m'attelais à concevoir. Tout aller s'améliorer.
Et puis non. On gagne d'un côté et on perd de l'autre. Ryder s'éloignait. C'était indéniable. Son boulot l'accaparait.. Ou peut-être était-ce toutes ces filles complètement sublimes avec qui il bossait chaque jours. Bandes de pétasses. Je n'étais pas totalement idiote. Il aimait plaire, qui n'aime pas ça ? Mais je pensais que mes efforts au quotidien pour être une petite amie parfaite ferait l'affaire. Il ne cuisinait jamais, je lui préparais toujours ses repas. J'intériorisais ma jalousie. Je limitais mes contacts avec d'autres garçons. Je n'étais pas trop collante et plutôt très tolérante. Et pourtant, rien ne changeait, tout ce dégradait.
Je recevais à l'instant un message. Fermant l'album photo je me ruais sur mon portable. Il ne viendrait pas, retenu au travail. Je n'osais même pas imaginer de quel travail il s'agissait. Je répondais « Pas de soucis » alors que que je pensais « Va te faire foutre ». Les larmes coulaient. Quelle fragilité je devais afficher. Les autres devaient penser que j'étais une pauvre fille bien docile. J'étais juste amoureuse et je pensais désespérément que nous n'avions qu'une âme sœur, qu'il fallait tout faire pour la garder. Je ne voulais pas qu'il m'abandonne, pas lui.
Soufflant les petites bougies que j'avais parsemé dans l'appartement. Je me saisissais d'une bouteille. L'alcool c'est calorique mais je n'allais pas débarquer les mains vide chez mon amie. J'avais besoin de déverser ma colère, de parler, de me faire comprendre, d'oublier le temps d'une soirée.. Histoire de redevenir raisonnable le lendemain et faire comme-ci de rien n'était face à Ryder. Il fallait tout intérioriser face à lui. Pour ne pas le perdre. Il est mon pilier.. Un pilier qui ne devait plus se fissurer, coûte que coûte.