Bailey avait été survolté au travail. Productif, servant les clients au plus vite, serviable, aimable, voulant se rendre aux petits soins avec tout le monde. Il débordait d'énergie, comme disaient certains de ses collègues. Tout le monde s'était demandé en quoi ce gain d'énergie était dû, et le rouquin ne savait même pas, ou ne voulait plutôt pas se l'avouer. Ce soir, il revoyait l'espagnol pour la première fois depuis la Gay Prise qui s'était déroulé il y avait quatre jours de cela. Il ne se passait pas un jour où ils ne se parlaient pas. Pour leur deuxième entrevue, ils en avaient conclus qu'il fallait qu'ils la fassent, cette course. Ayant l'esprit de compétition pour ce genre de circonstances, Bailey voulait mettre toutes les chances de son côté pour gagner et prouver au vendeur de hot-dogs qu'il était le meilleur. Finissant son service à dix-huit heures, il regagna son appartement pour s'habiller en circonstances. Un short de sport, un vieux t-shirt et un bandeau qu'il enfila autour de son crâne, tout cela avec des chaussures de course. Le rendez-vous avait été donné au parc University Woods, dans le quartier du Bronx, près de là où habitait le rouquin. 19h30.

Se dirigeant au parc à l'heure attendue, Bailey n'attendit pas longtemps avant de voir au loin le brun s'avancer et s'approcher de lui. L'accueillant avec un grand sourire, il le salua, lui tapotant la bise. Non pas qu'il ne voulait pas l'embrasser sur ses lèvres, bien que l'envie était présente, mais le marshall ne savait pas vraiment comment se comporter, dans le sens où ils n'avaient pas parlé de leur relation, ou d'un statut hypothétique de couple. « Bon, alors, c'est très simple ! Tu vois ce sentier, il fait le tour du parc. Imaginons que c'est la ligne de départ. » Il ramassa un bâton qui jonchait au sol, dans l'herbe et traça une ligne bien distincte. « On fait le tour. Le premier arrivé a gagné. Pour faire le tour du parc, il faut une dizaine de minutes. » L'University Woods était un des parcs o il courrait le plus souvent, il connaissait les circuits à force de pratique. D'un ton enjoué, il enchaina « Que serait une course sans prix et conséquences ? Donc, je commence, si je gagne cette course, tu seras obligé de dormir chez moi, ce soir. Et toi ? » Oui, il était gentil, puis, c'est ce qu'il désirait le plus, de dormir aux côtés de Diego.

La journée avait passé bien trop lentement pour le pauvre Diego. Il avait transpiré pendant des heures et des heures dans son costume habituel, et dès qu’il regardait la montre de leur food-truck il avait presque l’impression que les aiguilles allaient en arrière plutôt qu’en avant. Toujours était-il qu’à dix-sept heures pétantes, il était parti prendre le métro jusqu’au Spanish Harlem pour rentrer en vitesse, se doucher pour se débarrasser de la sueur du boulot et être présentable pour son deuxième rendez-vous avec Bailey. Ils allaient certes courir, mais ce n’était pas une excuse pour arriver en puant. Il n’avait pas résisté à la tentation de mettre une goutte de parfum avant de partir en courant, un maigre sac enfilé sur le dos, histoire de ne pas arriver en retard une deuxième fois. Il avait passé son trajet en métro en regardant sur son téléphone pour être sûr de ne pas se tromper – il s’agissait d’un coin où il n’était jamais vraiment allé auparavant, et il n’avait pas envie de prendre le mauvais train et se retrouver à l’autre bout de New York. Il fit tout de même attention à la route – après tout, si leurs rendez-vous se passaient toujours aussi bien… peut-être qu’il allait devoir faire le parcours bien plus souvent. On ne sait jamais, après tout.

Une fois arrivé au niveau du parc d’University Woods, il vit le rouquin l’attendre au loin et sans même s’en rendre compte il pressa son pas, le sourire aux lèvres. Il aurait tellement aimé l’embrasser à nouveau, mais il se contenta de la simple bise – c’était déjà ça de gagné – avant d’écouter les "règles" pour leur course. Il se mit à rire à sa proposition – c’était vraiment ça son idée d’une défaite? « Hmm… ça me donne presque envie de me déclarer vaincu d’avance. » Ça aurait été mentir que d’affirmer qu’il n’y avait pas sérieusement pensé. Tout d’un coup, il espérait que Bailey était vraiment bien plus fort que lui. « Surtout que tu me dois une douche et un café. Je dis ça, je dis rien » Que demander de plus qu’un café, une bonne douche chaude et une soirée avec Bailey? Il fit genre de réfléchir quelques secondes, mais il n’eut pas à y penser des masses – il savait déjà quoi proposer comme gage. « Si c’est moi qui gagne… tu viendras dîner à la coloc’, chez moi. On verra si t’es capable d’y survivre. » Rien que penser au pauvre rouquin entouré de ses six colocs (dont Paula), Diego se mit à rire. Sans vraiment attendre sa réaction, il enleva son t-shirt – en partie pour s’alléger avant la course, et en partie pour observer la réaction de son concourrent. « Il fait déjà assez chaud, tu trouves pas? » Il prit une gorgée ou deux de sa bouteille d’eau qu’il jeta au sol, sur son t-shirt. Puis, il se mit à sautiller sur place avant de taper gentiment le dos de Bailey pour l’encourager à y aller, tel un gamin impatient. « Bon. T’es prêt? » Il avait bien hâte de voir comment se déroulerait leur course. S’il gagnait, son ego en resterait flatté et il pourrait emmener le jeune Marshall chez lui. S’il perdait, il passerait une soirée chez le rouquin. En gros, quoi qu’il puisse se passer, il était sûr que sa soirée allait être bien plus que bonne.

Les négociations étaient de la partie. Dego avoua avec un rire qu'il voulait bien déclarer forfait d'avance, lui rappelant par la même occasion que Bailey lui avait promis qu'il pourrait prendre une douche chaude et un café à la maison. Dû que le rouquin avait totalement oublié, pensant à d'autres choses depuis le temps. Au moins, s'il gagnait, il pourrait faire un coup triple ; le café, la douche chaude et la soirée chez lui. Lâchant un petit rire gêné, le barista avoua alors « J'ai tout intérêt à gagner, alors. » Non pas qu'il n'aimait pas le gage de Diego, mais se retrouver à table avec cinq inconnus -il croyait se rappeler qu'ils étaient six dans cette colocation- pourrait s’avérer très vite gênant. Il s'imaginait déjà les inconnus le bombarder de questions, parfois beaucoup trop indiscrètes, ou des questions en rapport avec Diego, à se demander comment ils s'étaient rencontrés et qu'étaient-ils l'un pour l'autre. Une rencontre à laquelle il serait sûrement obligé de se préparer psychologiquement pendant plusieurs jours auparavant, quitte à préparer des réponses pré-fabriquée, c'était une de ses galères les plus certaines. L'instant d'après, le vendeur de hot-dogs retira son t-shirt, afin de se mettre torse nu et sûrement plus à l'aise et le rouquin ne put détacher son regard de son corps. Bordel, cette vue lui avait tant manquée depuis samedi dernier. « Je trouve que ça va, niveau température. Après si tu la fais grimper, en même temps... » Il sous-entendait plein de choses derrière ses paroles mais oui, en voyant Diego dans cette tenue, il commençait à voir chaud, à ressentir la température grimper et à se sentir étouffé dans ses habits. Pourtant, il trouva la force mentale de résister à se déshabiller, se convainquant qu'il enlèverait son t-shirt bien assez tôt en cas d'excès de transpiration. Les préparatifs finis, Bailey lui offrit un sourire confiant, se mettant à la ligne d'arrivée, à ses côtés. « A trois, on part. »
Un.
Deux.
Trois.
Lorsque le barista finit de prononcer le trois, il se mit à courir le plus vite possible. « Je vais gagner. » Il poussa un petit rire, il savait que Diego était pas loin, à ses côtés, qu'il le rattraperait ou qu'il existait cette possibilité qu'il gagne. Il tentait aussi de se ménager, de ne donner tout que lorsqu'il serait dans le dernier quart du parcours. Pou l'instant, il courrait à une allure plus que modérée, vive afin de garder toujours un temps d'avance sur le vendeur d'hot-dogs, bien que ce dernier était vraiment coriace. « Je t'ai peut-être sous-estimé. » C'est qu'il se débrouillait bien, le bougre.

Diego était le genre de personne qui détestait perdre – qui aime arriver dernier, après tout? Mais ce soir-là, il priait d’être le deuxième à franchir une deuxième fois le bâton qui leur servait de ligne de départ et d’arrivée. Il n’allait pas s’auto-saboter ni se forcer à perdre pour autant, il allait juste croiser très (très) (très) fort les doigts – façon de parler, puisqu’il n’allait pas faire ça en pleine course, mais l’idée était là. Dès que le rouquin en arriva à trois, il l’imita en se mettant à courir aussi rapidement qu’il le pouvait. Assez vite, en revanche, il ralentit quelque peu son pas – il s’était rappelé que le parcours durait une bonne dizaine de minutes, et s’il voulait rester en vie jusqu’à la fin, faire un sprint aussi long n’était pas la meilleure des idées à sa portée. Après tout, il avait encore une soirée à passer en compagnie de Bailey, et il refusait de mourir avant cela. Il avait un peu de mal à parler en courant, mais il haussa le ton de la voix pour que l’autre puisse tout de même le comprendre. « Je suis plein de surprises. » S’ils avaient été l’un face à l’autre, il aurait terminé sa phrase d’un clin d’œil, mais ce n’était malheureusement pas le cas. Il sentait déjà sa respiration se faire lourde – alors qu’ils ne couraient pas depuis si longtemps que ça – mais comme à son habitude, il essayait de se rappeler comment bien respirer, tout en se concentrer sur tout le reste, comme la force du vent contre son corps ou le bruit que faisait Bailey à ses côtés. Si son fort était la vitesse et non pas l’endurance, Marshall était tout aussi rapide que lui – et Diego se demandait s’il n’aurait pas dû le croire la première fois qu’il lui avait dit qu’il allait gagner, quand ils parlaient encore pour la première fois sur MatchMaker. Ça ne datait que de quelques jours avant la Pride, mais il avait l’impression que des semaines entières s’étaient écoulées depuis – et ce n’était peut-être que le début. Il se retenait de rêvasser pour pouvoir se concentrer sur la course, mais c’était impossible d’effacer le sourire de son visage. Il remarqua tout de même que le rouquin semblait être parfaitement à l’aise dans le parcours, comme s’il en connaissait les moindres recoins et secrets. « C’est pas de la triche… de m’inviter pour courir chez toi? » Il disait ça juste pour le taquiner – si, effectivement, Diego ne connaissait pas le circuit aussi bien que Bailey, ce n’était pas assez pour expliquer le léger retard qu’il commençait à cumuler. Et ça, sans même faire exprès. Marshall était en tête, et l’espagnol l’avait peut-être légèrement sous-estimé. « Sache que… j’suis impressionné. » Il aurait peut-être mieux fait d’arrêter de parler et de garder son souffle pour la course – il était déjà suffisamment essoufflé sans en rajouter une couche. Et puis, c’est pas comme s’il était en tête pour le coup – il ne savait même pas combien de temps de course leur restait.

Diego se trouvait quand même derrière lui, pas loin derrière mais Bailey s'assurait de tenir une longueur d'avance à lui, mais combien de temps tiendrait-il ? Pour un bon coureur, le parcours pouvait se terminer en cinq minutes. Le rouquin se considérait comme tel, sans se vanter. Il avait de l'endurance, pouvait se modérer s'il contrôlait son rythme. Il se doutait que l'espagnol pouvait se ménager et ne pas aller à pleine puissance pour se taper un sprint final afin de le dépasser. Il l'entendit parler et il ne put s'esclaffer de rire en l'entendant, se retournant pour lui tirer la langue. « Bien sûr que c'est de la triche... Faut bien que je mette toutes les chances de mon coté. » Oui, il connaissait le parcours, il avait même couru ici deux jours auparavant ; c'est vrai qu'il aurait pu proposer un terrain neutre pour plus d'équité mais le but était de gagner, et toute fin justifiait les moyens. « Gare ton souffle, j'ai pas envie que tu t'écroules. » Il se retourna pour se concentrer sur sa propre course, il avait considérablement ralenti le pas afin que Diego le rattrape, car courir seul c'était triste, à deux, c'était mieux. Et puis, il pouvait se ménager, reprendre quelque peu son souffle avant de reprendre de plus belle. Continuant à courir encore et encore, il remarqua un coin particulier « On a déjà fait plus de la moitié, il doit nous rester 1, voire 2 petites minutes, si tu continues à courir comme une mémé. » Il le bouscula quelque peu, lui donnant une tape sympathique dans l'épaule avant de continuer avec plus de férocité. Pas question de perdre, surtout pas devant le vendeur de hot-dogs. Il voyait bien que Diego tenait quand même le rythme et la distance, le bougre. Il remarqua après quelques instants que la ligne d'arrivée se dessinait à l'horizon, il comptait bien accélérer et donner tout ce qu'il avait. Son souffle s'était saccadé, il commençait à ressenti la difficulté, il n'était plus à son aise et pourtant, il tapa un dernier sprint, franchissant la ligne d'arrivée, arrivant tout de même avant Diego. « Ouiiiiiiiiiii, j'ai gagné ! » I poussa des hurlements de joie, sautillant partout. Il avait remporté son propre défi, se sentait fier et victorieux en cet instant présent. Il pouvait continuer à se féliciter encore longtemps mais Diego était de la partie. « Bien joué quand même ! T'es pas mal ! » Toute cette adrénaline le poussait à émettre de petits rires et il remarqua que le torse de Diego était ruisselant de sueur et même si certains pouvaient trouver cela ragoutant, Bailey était complètement sous le charme. « Bon allez, je te propose une douche... et chaude ! Tu vas pouvoir avoir ce luxe ! » Il le taquinait grossièrement, lui offrant un clin d'oeil. Il attendit que Bailey récupère toutes ses affaires avant de se mettre en route jusqu'à chez lui.

Diego écouta le conseil donné par le rouquin – il ne lui répondit plus pendant la course, essentiellement parce qu’il n’avait plus de souffle. Même s’il aurait voulu le taquiner, il en aurait été tout bonnement incapable, et une fois que Bailey s’était tu, il n’y avait plus que le bruit du vent, de leurs pas et de leurs respirations saccadées. Malgré la fatigue et la difficulté, il ne pouvait nier qu’il se sentait bien avec lui, et qu’il préférait mille fois courir à ses côtés que le faire seul ou avec quelqu’un d’autre. Et malgré tous ses efforts, il arriva deuxième – il n’avait plus assez de force pour sprinter en même temps que l’autre et ses mollets étaient devenus bien trop lourds pour lui.  Une fois la ligne d’arrivée dépassée, il fit quelques pas pour ralentir avant de s’arrêter et s’appuyer sur ses genoux en essayant de récupérer son souffle. Puis, il prit une grande respiration avant de répondre à Bailey, occupé à fêter sa victoire. « Rappelle-moi de te faire confiance la prochaine fois que tu prévois un truc. » Même s’il avait perdu, même s’il était essoufflé, même s’il était couvert de sueur… il ne pouvait s’empêcher de sourire. Après tout, maintenant que le rouquin avait gagné, il devait bien être à la hauteur du gage… et celui-ci ne le dérangeait absolument pas, bien au contraire. Il ne put s’empêcher de sentir se joues se colorer à son compliment; il avait déjà bien assez chaud, mais une bouffée de chaleur l’enveloppa aux mots de Bailey. « Et je suis malheureusement obligé d’accepter ton invitation. Même si je pense qu’une douche froide va me faire bien plus de bien. » Sa voix s’était haussée d’une octave sur son ''malheureusement'' pour que Marshall comprenne que c’était tout sauf un malheur que de le suivre jusqu’à son studio. Rien que l’idée étendait son sourire jusqu’à ses oreilles, à vrai dire. L’adrénaline de la compétition retombait très rapidement, aussitôt remplacée par l’excitation de la soirée qu’ils allaient passer. « Heureusement que t’avais raison le premier jour. » Il lui fit un clin d’œil, puis il but une gorgée de sa bouteille d’eau avant de la jeter à nouveau dans son sac et d’enfiler à nouveau son t-shirt, toujours retourné vers le rouquin. « Faudra que je me change après la fameuse douche – j’ai pas très envie de passer pour le crasseux du métro en rentrant. » Il balaya la pensée d’un revers de sa main – il n’avait pas vraiment envie de penser au départ alors qu’il avait Bailey à ses côtés; il comptait au contraire profiter de sa présence jusqu’à la fin de leur soirée, aussi longue puisse-t-elle être. Il prit alors son sac pour l’accrocher à son dos, ses yeux rivés sur Marshall, ne sachant pas vraiment ce qui allait arriver après. « Du coup, on rentre comment chez toi? ‘Fin, on prend quel chemin? » Le pauvre brun était quelque peu perdu dans le Bronx, et il était prêt à suivre les pas du rouquin jusqu’à chez lui, où que cela puisse être dans le quartier-là.

D'un côté, Diego semblait apprécier sa défaite, sûrement parce qu'il savait quel en serait le prix à payer ; passer sa soirée avec Bailey chez lui. Y'avait plus grave. Le rouquin, lui, était aux anges, bien qu'il se contenait devant son partenaire ; s'il se mettait à sautiller et à hurler de joie partout parce que le vendeur de hot-dogs venait passer la nuit chez lui, ce serait assez étrange. Avec ses multiples remarques, Diego avait le don de faire rire le Marshall, toujours enjoué lorsqu'il l'écoutait. « On quitte le parc, après... suis-moi ! » Non pas qu'il ne souhaitait guère expliquer à son compatriote comment aller jusqu'à chez lui mais ses explications allaient être trop compliquées à suivre et au final, le vendeur de hot-dogs n'y comprendrait rien. Lorsqu'ils quittèrent le parc, Bailey n'eut aucun mal à identifier les lieux, le Bronx il le connaissait presque et quasi comme sa poche, surtout grâce à ses balades nocturnes. Son appartement n'était qu'à cinq minutes, ils avaient juste à traverser une rue, tourner à un angle, continuer la seconde rue jusqu'à arriver à sa résidence. « Je suppose que tu ne viens pas souvent dans le Bronx ? » Surtout à University Heighs, qui était définitivement un des quartiers les plus pauvres de la ville. Notamment destinés aux étudiants pauvres, les appartements et les loyers ne payaient pas de mine. Et même si la majorité de son salaire passait dans son loyer, il se satisfaisait très bien de son petit studio de vingt-cinq mètres m². C'était pas un palace, mais son palace qu'il appréciait à juste titre. Le prix de sa liberté et de son départ de sa dernière famille d'accueil. Tournant à l'angle de la rue, il savait qu'ils étaient bientôt arrivés, et il pointa un doigt sa résidence au loin, en s'exclamant à Diego que c'était elle. Il ne savait pas comment se sentir ; d'un côté, il avait hâte que Diego découvre son appartement, de l'autre, il avait cette inquiétude que son espace de vie ne lui plaise pas.Il balaya sa pensée d'un revers de main, sortant les clefs de sa poche et son badge pour faire inviter l'espagnol et entrer après lui. « J'suis au troisième, j'suis sympa, je te fais pas monter les escaliers, ils sont assez ardus. » Traduction, vu qu'ils venaient de faire du sport, la montée pourrait être fatale. S'engouffrant dans l'ascenseur, il appuya sur la touche 3.

Il ouvrit la porte de son appartement, invitant toujours le Bueno à entrer devant lui. « Comment on dit en espagnol, déjà ? Genre my casa e tu casa. » Il ria de son horrible accent américain, n'ayant retenu que cette phrase d'une publicité à la télévision. Sans détour, il alla jusqu'à son armoire pour y sortir une serviette qu'il tendit à l'espagnol. « Hm, tiens, t'as une serviette, t'as le nécessaire pour te laver là-dedans et... je crois que c'est tout. Si t'as besoin, je suis là ! » Quant à Bailey, il se débarrassa à la fois de son t-shirt et de son short pour finir en sous-vêtement. Hors de question de rester grandement habillé dans son appartement, et encore plus lorsqu'il y avait Diego.

Diego se contentait de suivre les pas de Bailey, tout en essayant d’imprimer le parcours dans son esprit. « Nah, j’ai plutôt tendance à rester autour de Manhattan. » Il n’était jamais vraiment venu dans le Bronx pour le plaisir… ou tout court, à vrai dire – il n’avait pas encore eu l’occasion de faire le touriste à New York, mais il comptait bien arranger cela une fois leurs loyers de retard payés. M’enfin, il n’était pas de sortie avec le rouquin pour penser à ce genre de soucis. Si la résidence où il habitait n’était pas bien luxueuse, elle n’était pas plus crasseuse que le bâtiment où il habitait lui – et il savait très bien que niveau économique, ils étaient plus ou moins sur le même bateau. « J’apprécie la sympathie. » Il y avait des clairs avantages quant au fait de monter des escaliers, mais il allait bien se rattraper sur ce coup-là. Assez rapidement, les trois étages avaient été montés, et Bailey lui ouvrit la porte pour le laisser entrer. Son appartement était… parfaitement à son image, quoi que cela puisse dire. Il n’avait pas essayé de l’imaginer avant d’y rentrer, mais il n’était pas choqué par l’écart entre les deux. « Mi casa es tu casa. T’y étais presque. » Les mots coulaient bien plus doucement dans sa bouche que dans celle de l’américain, mais il trouvait l’accent de ce dernier adorable – rien que l’entendre prononcer ces quelques mots lui donnait envie de le prendre de l’embrasser tendrement. Il essayait de s’en retenir, se rappelant qu’il était encore couvert de sueur de leur course et que ce serait peut-être bien trop dégoûtant pour le pauvre rouquin. Raison de plus pour se laver aussi rapidement que possible... « Merci beaucoup! » … sauf s’il comptait le rejoindre, mais il se voyait mal lui demander "oh, d’ailleurs, tu te douches avec moi?". Il n’avait peut-être pas de filtre, mais même lui avait des limites. En revanche, il ne s’attendait pas à ce que Bailey se déshabille sous ses yeux, et il dut se forcer à ne pas mordre ses lèvres tellement la vue était alléchante. Finalement, il était plutôt doué en matière de revanche, on ne pouvait pas affirmer le contraire. « Bon. J’y vais, je me lave et je te retrouve. On a une soirée à passer ensemble. » Et le brun ne comptait pas gâcher la moindre seconde de leur réunion. Alors, il s’engouffra dans la salle de bain que le rouquin lui avait indiqué, et y allumer l’eau de la douche après avoir ôté le peu de vêtements qu’il avait sur lui. Le contact avec l’eau bouillante le fit gémir de plaisir, suffisamment fort pour qu’on puisse l’entendre de dehors. Il haussa tout de même la voix pour se faire entendre à travers les murs et la porte qui le séparaient de Bailey. « Je t’avoue que l’eau chaude m’avait drôlement manqué, même en plein été. » Ses épaules s’étaient baissées sous la caresse du jet d’eau, et il bidouilla avec le manche de la température pour trouver un bon compris entre le plaisir de l’eau chaude et le besoin d’une douche qui le rafraîchisse de l’effort de leur course. S’il avait l’habitude de chanter sous la douche – ce qui avait plutôt tendance à emmerder ses colocs’ – il n’avait pas envie de chanter faux et faire peur au pauvre Bailey.

Le malheur d’arrêter le jet d’eau était grandement compensé par le plaisir de retrouver le rouquin, mais il se rendit rapidement compte qu’il avait peut-être oublié de ramener des habits de rechange – mais il n’aurait pas imaginé qu’ils se seraient retrouvés chez Marshall, pour sa défense. Alors, il ouvrit légèrement la porte de la salle de bain – juste assez pour en sortir sa tête et rien d’autre. Il enchaîna d’un ton enjoué, une main contre la porte et une au niveau de ses hanches pour ne pas se retrouver complètement déshabillé. « Hmm… j’ai pas grand-chose à remettre à part pour la serviette. Ça te dérange pas? » Il croyait connaître la réponse, mais il y avait quand-même une grosse différence entre se balader en sous-vêtements et… être à deux doigts du nudisme. « Sinon, je suis obligé d’emprunter tes vêtements. » Il n’avait pas vraiment envie de l’effrayer ou le dégoûter en franchissant des limites implicites. Alors, il préférait demander.

Il abandonna Diego à la douche tandis qu'il s'étendit sur son lit comme un phoque échoué sur une plage. La course l'avait bien achevé, et il attendait aussi son tour pour la douche. Allongé, il ferma les yeux quelques instants pour pouvoir se reposer, en quelques sortes. Seul le bruit de l'eau qui coulait dans la salle de bain résonnait, jusqu'à ce que la voix forte de Diego brise ce silence. Un petit rire de la part du rouquin pour qu'il lui dise aussi à voix haute « Ah, tu vois ! Qu'est ce que je disais. » Lorsqu'on avait une douche, on ne pouvait pas s'abstenir de l'eau chaude, c'était trop précieux, un luxe dont il fallait se rendre compte. Il attendit encore quelques instants avant d'entendre le jet d'eau s'arrêter, sûrement que l'espagnol avait fini de prendre sa douche. Ce dernier s'engouffra derrière la porte de la salle de bain, interpellant le rouquin pour lui demander s'il pouvait lui prêter des vêtements de rechange. Interloqué, le barista se leva pour lui faire face, ne pouvant s'empêcher d'émettre un petit rire. Donc, Diego était bel et bien nu derrière cette porte, ce qui était assez intéressant et intriguant en soit. Cela lui avait même donné envie d'un petit jeu. Prenant un ton faussement sérieux, il lui déclama « Ah, j'suis désolé mais ça va pas être possible. T'es bien plus costaud que moi, je pense pas que mes vêtements t'iront. » Ce qui était à moitié faux. Même s'ils faisaient pas la même corpulence, les fringues de Bailey pourraient convenir à l'espagnol, bien qu'ils lui mouleraient son corps, c qui ne serait pas pour déplaire le rouquin. « Va falloir que tu restes comme ça... nu. » Il haussa les épaules, bien que son sourire se voulait perfide et triomphant. D'un coup sec, il tira la porte pour s'engouffrer dans la salle de bain, et bien qu'il n'avait pas eu le temps de voir ce qui se cachait dans l'entrejambe de l'espagnol, il avait pu profiter pendant quelques secondes de son cul, sur lequel il avait donné une petite tape sympathique. « Ça doit pas rigoler niveau atout... » Il le taquinait toujours autant mais voir Diego gêné dans cette tenue le ravissait.

« J'vais me laver avant d'avoir quelque chose de compromettant. » Oui, il parlait bien d'une érection qui pourrait se dresser à tout instant à travers son sous-vêtement. « T'as mon armoire dans la pièce principale, fouines pour voir des fringues qui t'intéressent. » Sans attendre que Diego parte de la pièce, il se débarrassa de son boxer, le laissant à terre avant de s'engouffrer dans la cabine de douche, afin de couler l'eau chaude. Bordel, c'était tout ce qu'il avait attendu la sainte journée ; être dans sa douche et profiter de l'eau qui le lavait de toutes impuretés, le soulageait et l'hydratait. « J'en ai pour cinq minutes. » cria t-il fortement pour prévenir Diego qu'il n'avait pas à attendre longtemps.

Diego se mit à rire à la réponse du rouquin – il sentait bien que l’idée ne devait pas vraiment le déranger, bien au contraire. Ses épaules étaient plus relaxées maintenant qu’il pouvait se rassurer quant au fait que leurs intentions étaient bien semblables. Il prit une mine faussement outrée suite à la pression de ses mains sur son postérieur, et il s’était retourné juste après avoir couvert ses bijoux de ses mains. Il sentait l’éventuelle gêne qu’aurait pu être amenée par sa nudité fondre peu à peu: de un, il savait que Bailey ne serait pas parti en courant; de deux, il était bien trop occupé à regarder son corps à lui, tout aussi dénudé que le sien. Pour le coup, il n’avait littéralement rien à dire – il était resté sans voix face à la beauté de ses curves. Il ne demandait qu’une chose, et c’était de passer ses mains sur celles-ci, de découvrir la chaleur du rouquin de plus près… il dût se forcer à ne pas ouvrir la porte de la douche pour le rejoindre, mais il ne put s’empêcher de le taquiner en sortant, la serviette qu’il avait utilisé plus tôt à ses pieds. « Interdiction de voir lesdits atouts tant que t’es couvert de sueur. » Non pas que la sueur ait été rédhibitoire pour lui, bien au contraire. Il ferma la porte derrière lui, avant d’aller jusqu’à son lit pour récupérer le premier coussin qui était tombé sous ses mains. Ensuite, il sécha un petit peu ses cheveux – autant que ses mains le lui permettaient, mais sa peau était encore humide de la douche dont il sortait tout juste. En parlant du jet d’eau, il faisait bien attention au bruit de celui-ci, guettant le moment où il s’arrêterait, qui signifierait donc que Bailey s’apprêtait à en sortir. Il arrangea rapidement ses cheveux, histoire d’être au moins présentable, dans le reflet d’une vite, avant d’aller devant la porte de la salle de bain. Quelques instants plus tard, l’eau avait arrêté de couler, et Diego se remit bien en place pour être sûr que sa surprise marche, sentant l’impatience monter en lui. Juste après, c’était au tour de la porte de s’ouvrir, et l’espagnol était juste derrière, un gros sourire estampillé sur son visage… et un maigre coussin qui couvrait le peu de son corps que Bailey n’avait pas encore vu. « J’ai malheureusement rien trouvé, en partie parce que je n’ai pas vraiment cherché. » La façon dont il avait appuyé sur le mot "vraiment" suffisait pour comprendre qu’il n’avait fait aucun effort pour trouver une tenue qui puisse lui convenir. Pouvait-on le blâmer pour ça? « Mais j’ai cru comprendre que ce n’était pas un vrai souci, donc... » Il fit tomber le coussin à ses pieds, toujours en fixant Bailey. « Oops. » Un sourire en coin sur ses lèvres, il attendait la réaction du rouquin. Ses joues étaient manifestement rouges, essentiellement parce qu’il ressentait la même tension que quand ils dansaient à la Pride, mais en bien, bien, bien plus fort. L’envie de briser la distance qui les séparait était tout bonnement insoutenable, en revanche. « Quand à tout ce qui pourrait être compromettant ici... » Il pointa ses atouts d’un simple doigt avant de reprendre sa phrase, « … ça ne relève que de ta faute. » Non pas que ça l’ait dérangé, au contraire.