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| salsa, tequila y corazón (buenos) | |
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Invité « Invité » | Sujet: salsa, tequila y corazón (buenos) Sam 8 Juil - 21:50 | |
| Diego sentait la sueur couler à des endroits qu’il ignorait être capables de transpirer. Pour sa défense, il faisait déjà bien assez chaud à New York; la ville semblait cuire lentement sous un soleil de plomb qui s’acharnait sur eux, tels de petits bouts de viande qu’on rôtissait pour un barbecue. Comme si ce n’était pas assez grave en soi, le jeune Bueno avait dû enfiler un charmant costume d’hot-dog pour "attirer les clients" vers le food-truck dans lequel Paula cuisinait. Si cette dernière souffrait elle aussi de la chaleur de ses instruments, son jumeau était coincé dans un costume bien trop grand pour lui, composé de plusieurs couchés enrobées les unes sur les autres. S’il n’avait pas encore suffoqué, il en était franchement pas bien loin. Les passants le regardaient très rapidement, avant de détourner la tête, gênés par la présence d’un homme vêtu aussi singulièrement; s’il ne pouvait pas vraiment les blâmer, il aurait juste aimé qu’on lui offre un sourire à défaut de l’aider à se déshydrater avec une bouteille d’eau. Encore, il aurait pu supporter ce calvaire si ça avait servi à quelque chose, mais il avait plutôt l’impression que ça ne faisait que repousser le peu d’intéressés par un hot-dog sous trente degrés à l’ombre. Encore une fois, il ne pouvait pas les blâmer, mais Paula et lui cumulaient les loyers de retard, et ils se limitaient déjà assez; était-il temps de se reconvertir en glaciers ambulants? Le souci était, encore et toujours, l’argent qui manquait. Sans argent, il ne pouvaient pas acheter de quoi faire des glaces. Sans glaces, ils ne pouvaient pas faire de l’argent. Sans argent… ils finiraient par dormir dans le food-truck, entre des saucisses brûlées et du pain rassis. The American dream, baby!
Le jeune espagnol prit la tête de sa grosse saucisse et l’enleva avec la grâce d’un éléphant bourré, manquant de faire tomber la poussette d’un père agacé par tout le cirque qu’il faisait. Bien évidemment, il ne s’en rendit pas compte, passant donc pour un malpoli de première. Une fois extirpé de cette partie de son costume, il avança jusqu’au comptoir du food-truck comme il le pouvait, ses jambes affaiblies par le ‘’travail’’. Il faisait trop chaud pour y rentrer puisque Paula était encore en train de griller saucisse sur saucisse, mais il faisait aussi trop chaud pour rester dehors, en plein soleil. Il décida alors de marcher jusqu’à la sonnette qu’aucun client n’avait encore jamais utilisé – ils étaient toujours à l’affût du moindre centime, ils n’allaient pas laisser une caisse vide de sitôt. « Un hot-dog sans oignons et avec du ketchup, s’il-vous-plaît! » Les Buenos parlaient toujours espagnol entre eux, sans vraiment se soucier de la présence d’autrui. Ils faisaient parfois des efforts chez eux, histoire de ne pas donner aux autres l’impression de tenir la chandelle, mais ça s’arrêtait là. Le jeune homme était dégoulinant de sueur, mais ce n’était pas la chaleur qui allait l’empêcher de manger leurs hot-dogs. Fallait bien que quelqu’un le fasse – et si ce n'était pas lui, c’était le reste de la coloc qui allait remplir son estomac avec tout ce qu’il n’avaient pas vendu, c’est à dire… la quasi-totalité de leurs stocks. « On en est à combien pour la journée? » S’il avait vu qu’il n’y avait pas la queue, il ne savait pas exactement quelle somme d’argent ils avaient pu gagner; après tout, il était trop occupé à se rappeler comment respirer dans son costume pour faire attention à ce genre de détails. « Que je sache si on peut se permettre le luxe d’un shampoing. » Diego ne put s’empêcher de rire, mais la situation était assez tragique à vrai dire – s’ils n’avaient même pas assez d’argent pour des choses aussi mondaines, ils étaient dans un pétrin bien plus grand que prévu. Il essayait quand-même de garder sa bonne humeur, se rappelant qu’il fallait bien en avoir quand il s’agissait de la dernière chose que l’on possédait. Même leur food-truck ne leur appartenait pas, et ils ne pouvaient pas compter dessus. À chaque fois qu’il s’en rappelait, il avait envie de rire jaune. « Et t’sais si on a assez de pain et saucisses pour après? » Il posait cette question chaque semaine, et chaque semaine la réponse était toujours la même: oui, parce que ce n’était jamais arrivé qu’on achète assez d’hot-dogs pour vider leurs stocks, mais ce n'était pas trop mal non plus; fallait bien participer au repas hebdomadaire à défaut de payer leur loyer. |
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Invité « Invité » | Sujet: Re: salsa, tequila y corazón (buenos) Lun 10 Juil - 4:27 | |
| Le grill crépite, mais ça doit bien faire deux putain d'heures que Paula est à moitié appuyée les fesses contre le rebord du foodtruck, à ne rien cuire du tout. De un, ça ne sert à rien de s'avancer sans clients (c'est meilleur sur le pouce), de deux, elle économise le moindre mouvement. Il fait une de ces chaleurs. Elle donnerait tout pour une bonne glace gelato à la menthe. C'est p't'être ça, qu'elle aurait dû apprendre à faire, durant son séjour en Italie. En tous les cas, ça aurait eu plus de succès que les hotdogs à cette période de l'année. « Putain, qu'est-ce qu'il fait chaud. » Un réflexe. Elle ne bouge pas. Pas d'un seul centimètre. On dirait un mannequin challenge. Sans le challenge. Et sans le côté ludique. C'est une question de survie. Les paupières fermées, elle sursaute quand Diego fait retentir la sonnette neuve (neuve depuis trois mois...). Sa bonne humeur ne réussit pas à faire tirer un sourire à Paula. En fait, ça la désespère. On dirait un bisounours. Habillé en hotdog, oui, mais ça change quedal. Elle est triste, aussi. Le rêve américain, c'était plus celui de son jumeau que le sien. Elle aime pas le décevoir. Elle aime pas que la vie le déçoive non plus.
Elle fout une saucisse sur le grill et commence à préparer le pain. Les gestes sont devenus mécaniques, habituels, elle n'a même pas besoin de regarder ce qu'elle fait. Ses yeux fixent, se plissent sur son pauvre frangin aux cheveux humides de sueur. On dirait qu'il vient de prendre une douche. Sauf que ça sent moins bon. En réalité, p't'être qu'ils devraient juste foutre Diego à poil devant le foodtruck. Il a l'air d'avoir du succès auprès des meufs. Et auprès des mecs, même.
Son visage se rapproche du tiroir pour compter. Sa vue a encore baissé. Après dix secondes, elle se redresse, les quatre billets et les quelques pièces en main. « 16 dollars et 50 centimes. Mais on en a besoin pour racheter de nouvelles pinces. Celles-là commencent à rouiller. T'auras qu'à piquer le shampoing de Susie. Elle utilise la même marque que toi, je crois. Mais pour meufs, quoi. » Elle annonce très factuellement en foutant la saucisse chaude dans le pain. Contrairement à Diego, elle a plus de mal à rire de leur malheur. Elle trace une ligne de ketchup en zigzags parfaits et tend le tout à son jumeau. « On en a assez, oui. » Un long soupir s'échappe. Son frère demande toutes les semaines. Et toutes les semaines, elle répète exactement la même chose. Elle a beau essayé de se persuader que ça finira par s'arranger, Paula a de plus en plus l'impression qu'ils finiront dans un carton au bord de la route. Ils ont du cul qu'on ne les ait pas déjà virés de leur logement, avec trois mois d'impayés. « C'est jeudi. Je vais en ramener pour ce soir, ils seront contents. » Pour tout ce qu'ils bouffent aux frais des autres, c'est le moins qu'ils puissent faire. « Je ferai un tiramisu, aussi. Ça fait longtemps. » Paula cuisine pas. Plus. Elle sait pas trop pourquoi. Pas dans le bon état d'esprit. Mais elle a tellement l'impression que leurs jours sont comptés qu'elle veut profiter un max de tout le monde. « Tu crois qu'on devrait leur dire ? Pour notre problème de loyer. » Ils devraient, elle le sait. Ils sont amis. Est-ce qu'ils comprendraient vraiment ? On dit que l'argent, c'est le nerf de la guerre. Et c'est pas pour des prunes, elle est forcée de s'en rendre compte. « Tu crois qu'ils voudront encore de nous ? » Paula a toujours manqué de confiance en elle, et de confiance en les autres. Le seul, l'unique, c'est son jumeau, et uniquement son jumeau. Y a que son avis qui compte autant, sinon plus que le sien.
Dernière édition par Paula Bueno le Mer 12 Juil - 7:31, édité 1 fois |
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Invité « Invité » | Sujet: Re: salsa, tequila y corazón (buenos) Mar 11 Juil - 17:19 | |
| Diego sentait son sourire quitter peu à peu son visage – il n’avait même pas réussi à sauter sur la blague du shampooing de Susie. À quoi bon si ça n’aidait personne autour de ce food-truck? Il sentait très bien que la moue que Paula faisait relevait plus que de la simple habitude. Elle boudait très facilement et très souvent, mais c’était différent cette fois-là. Et ses inquiétudes transformaient le sourire de son frangin en une mine remplie de soucis. Il ne répondit pas tout de suite à sa question, laissant quelques secondes s’écouler. « Je t’avoue que… je ne sais pas. » Il ne savait pas quoi dire pour arranger la situation, tout simplement parce qu’il fallait bien plus que des simples mots pour les sortir de cette impasse. « J’ai envie de te dire qu’on est plus que des simples colocs, qu’ils seraient compréhensifs et qu’ils feraient de leur mieux pour nous aider, mais... » Ses dents plongeaient dans sa lèvre – il n’avait pas envie de prononcer ces mots-là, craignant que le faire ne rende la chose que trop réelle. Mais c’était trop tard pour faire marcher arrière, n’est-ce pas? « J’ai peur de découvrir que ce n’est pas le cas. » Il avait confiance en leurs colocs, mais pouvait-on vraiment passer outre leur cuisant échec, trois mois de loyer non-payé et tout autant de temps passer à saccager le frigo quand leur compte en banque était déjà vide le dix du mois? « Et d’un côté, ce n’est pas vraiment leur choix – c’est plus notre proprio qui risque de nous jarter de là. » La loi était bien claire au sujet, et le bail qu’il avait signé à leur nom l’était tout autant – ce n’était pas un futur bien rose qui les attendait si leur food-truck continuait sa descente avant de s’écraser et s’enflammer contre un mur. « Mais à un moment, je crains qu’on sera obligé de leur dire. » Le brun était bien le dernier à vouloir le faire, mais c’était peut-être mieux comme ça – peut-être qu’ils auraient une solution à leur proposer. Et si c’était déjà trop tard… au moins ils sauraient qu’ils ne les quittaient pas de leur plein grès. Malgré tout, il commençait à perdre espoir. Avait-il le choix, à ce stade là? « Tu penses que c’est sans espoir? Qu’on devrait arrêter avec le food truck et… j’sais pas, trouver un job chez McDo? » Tout cela était bien loin de son rêve pour lequel il s’était tant battu et pour lequel il avait tant travaillé dans son Espagne natale, mais… il n’avait jamais rêvé d’avoir trois – bientôt quatre – loyers de retard tout en perdant le peu de clients qu’ils avaient pu avoir plus tôt. Bien évidemment, les choses auraient dû se passer différemment. Elles auraient dû être meilleures, plus rapides, plus joyeuses… mais toujours était-il qu’il ne leur restait que des brindilles d’espoir... et moins de dix-sept dollars. Soit, pas assez pour payer le loyer. Ou la nourriture. Ou d’éventuelles sorties. Ou vivre, tout simplement.
Diego ne put s’empêcher de soupirer, le regard baissé vers ses chaussures, l’hot-dog qu’il avait commandé toujours intact, tristement posé sur le comptoir. Ses épaules étaient abattues, comme si on lui avait enfin ôté un sac très lourd des épaules – même si à vrai dire, c’était plutôt le contraire. Les deux jumeaux avaient évidemment déjà abordé le souci de leurs finances avant, mais la situation ne faisant qu’empirer, c’était de moins en moins drôle et de plus en plus inquiétant. « Je suis désolé. Peut-être que maman avait raison... » Il se rappelait toujours de la façon dont le visage de sa mère s’était décomposé quand il avait annoncé qu’il comptait partir à New York et se lancer dans la cuisine – du moins, la "cuisine". S’il avait toujours ri en racontant l’anecdote et en décrivant le choc peint sur ses traits immobiles, il s’amusait beaucoup moins à ce moment-là. Mais Diego étant Diego, il avait toujours un brin d’espoir auquel se raccrocher. Du moins, c’était le cas pour l’instant – et il comptait bien en profiter tant qu’il le pouvait. Et si ça bonne humeur était entachée par la discussion... il ne savait pas trop ce qu'il était censé ressentir. Il savait juste qu'il était heureux d'être avec sa jumelle. « Mais sache que je refuse de baisser les bras et t’abandonner. Même si ça veut dire cuire des burgers du matin au soir. » Ce n’était pas la vie dont ils avaient rêvé, loin de là. Mais au moins, ils seraient quand-même ensemble face à la tempête. Et surtout, ensemble à affronter les clients enragés d’un fast food. « On est une équipe. D’accord? » S’il l’avait pu, il aurait pris sa main pour lui prouver qu’il n’allait pas la laisser tomber. Malheureusement, le food-truck était bien trop grand pour ses jambes – et ce n’était pas quelqu’un de petit, bien au contraire. Est-ce qu’il croyait à ce qu’il disait? Est-ce qu’il était lui-même convaincu que tout allait bien se passer et qu’ils allaient trouver une solution au pétrin dans lequel il les avait jetés? Probablement pas. Mais il avait toujours besoin d’espoir auquel se raccrocher pour ne pas sombrer. Si les autres arrivaient à y croire, encore mieux. Mais il refusait de se cajoler dans la tristesse et l’absence totale d’espoir. Il ne pouvait tout simplement pas le faire. |
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| Sujet: Re: salsa, tequila y corazón (buenos) | |
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