La Gay Pride. Événement annuel qui faisait de plus en plus de bruits partout dans le monde, puisque tous les pays commençaient, chacun à leur tour, à effectivement organiser une fois par an dans le courant de mois de juin un défilé pour exprimer une certaine fierté quelque soit l’orientation sexuelle. Et ce n’était pas un euphémisme que de dire que celui de New-York était l’un des plus grands et magistraux au monde.

Sunny, assurément, il n’avait jamais été très investi dans la cause LGBT. Enfin si, mais de manière bien plus individualiste, à la sueur de son front et aux coups de ses poings, plutôt que de manière pacifique et réfléchie. En réalité, ce n’était pas que la cause générale lui tenait à cœur, il avait réellement du mal à éprouver une certaine empathie pour qui que ce soit, toutefois en étant impliqué dans un mariage homosexuel avec un enfant à charge, il était normal qu’il se sente tout de même un minimum concerné. Et il ne s’était jamais caché qu’il détestait plus que tout – au même titre que l’ennui – qu’on lui manque de respect, alors qu’il était le premier à en manquer aux autres mais cela était encore un autre sujet. Donc ouais, peut-être qu’il n’avait jamais été clairement investi dans cette cause aux yeux de tous, toutefois la Gay Pride était un rendez-vous annuel qu’il ne manquait jamais. De un, c’était une bonne excuse pour réaffirmer sa foi – ‘façon de parler, puisque Dieu il lui pissait à la raie –. Et de deux, et surtout, c’était une bonne occasion de faire la fête, se laisser enivrer par toute cette excitation hormonale et colorée.

Cette année ne faisait pas office d’exception à la règle. Une fois de plus, il se trouvait dans la foule aux couleurs plus extravagantes les unes que les autres, dans la joie et la bonne humeur. La seule grande et marquante différence était qu’il ne s’y trouvait pas en compagnie d’Arthur, comme ils en avaient tous deux l’habitude depuis toujours. C’était tendu entre eux entre les deux maris depuis quelques mois maintenant, mais ils avaient été prêts à faire un effort pour ce jour particulier. Sauf que, sans qu’ils ne puissent le contrôler, cela avait pété entre eux la veille. Que cela soit de la faute de Sunny ou d’Arthur, au final les deux étaient tout aussi fiers – fierté mal placée –, et cela ne s’était pas réglé pour la fête. Alors Sunny y était allé avec son fils, Eliott. Et même si ce dernier n’était pas homosexuel, il aimait tellement ses deux pères qu’il se sentait effectivement très concerné par les droits de toutes ces minorités. Peut-être que le quadragénaire était un peu déçu – presque triste ? – de s’être pris la tête avec son âme sœur la veille de ce jour symbolique, toutefois il compensait avec le petit bonheur qu’il éprouvait à partager un moment avec son fils unique. Eliott et lui, ils avaient toujours été fusionnels, peut-être trop puisque les choses avaient également tendance à péter entre eux ces derniers temps. C’était quand même pas possible, ces casses couilles.

Ils marchaient donc au milieu de cette foule hystérique de bonheur, Sunny essayant tant bien que mal de discuter avec son fils. Alors qu’il apportait la bouteille d’eau, qu’il avait minutieusement amené à cause de cette chaleur caniculaire, à sa bouche, quelqu’un vint lui foncer dedans, et il renversa tout sur lui. Maugréant et jurant dans sa barbe, il s’éloigna quelques longues minutes avant de revenir avec deux énormes granités dans les mains. « Bon, j’me suis dit qu’à un moment fallait arrêter de déconner. Tu veux lequel, y en a un à la téquila et l’autre à la vodka. » Et bien oui, l’un était orange chimique et l’autre bleu tout aussi chimique, comme des granités normaux, sauf qu’à la différence ils étaient frappés à l’alcool. Oui, un peu n’était peut-être pas censé faire boire son fils, mais c’était la Gay Pride et Eliott était majeur. Puis Sunny s’éloigna quelque peu de la foule, pour s’asseoir à l’ombre d’un grand arbre – dont il ne reconnaissait pas le type, d’ailleurs –. « J’préfère largement que tu te mettes une cuite à un tel événement, que tu boives la veille d’un jour de cours. » Il haussa un sourcil à son fils, lui faisant comprendre qu’il était au courant de comment il pouvait parfois se comporter, toutefois son ton n’était absolument pas moralisateur. Il essayait seulement de comprendre.