Les cours terminés, tu ne traînais jamais pour rentrer chez toi. La journée avait été suffisamment longue et tu avais encore pas mal de temps de transport avant de rentrer. C’était ça le deal pour ne pas à avoir à vivre à Manhattan. Clairement, tu n’aurais pas pu vivre là-bas au quotidien. Tu t’y rendais pour travailler ou pour aller en cours et c’était largement suffisant pour toi. Tous ces bâtiments composés de trentaines d’étages, ça te donnait le tournis. Tu avais le vertige rien que de songer à grimper en haut de ça. L’homme n’était pas fait pour monter si haut et toi, tu te sentais bien sur le plancher des vaches. Tu n’avais pas le vertige puisque tu étais capable de grimper à un arbre sans avoir la tête qui tourne ou ce genre de chose qui arrivent quand on prend de la hauteur. Mais toi, la fille de la campagne, tu ne pouvais pas te faire à ces immeubles si hauts. Tu préférais largement ton lieu d’habitation. Un vieil immeuble de trois étages. Ça c’était bien. Tu pouvais t’asseoir sur le rebord de ta fenêtre et distinguer les voitures à taille plus grosse qu’une fourmis. T’étais bien à Brooklyn. T’étais bien avec tes colocataires. Ton monde tournait à merveilles, d’autant plus ces derniers temps. Depuis que tu avais ton danseur dans ta vie. Tout roulait comme tu le voulais. Alors en rentrant chez toi, t’étais prête à rebouger avec ton chien. T’avais envie de faire une grande promenade. Marcher pendant des heures et des heures. Et pour ça, y avait bien qu’un seul endroit de parfait : Central Park. Cet écrin verdure coincé en plein milieu des immenses immeubles. Cet endroit qui semblait hors du temps et dans lequel tu adorais te promener. C’était toujours blindé Central Park et pourtant t’aimais t’y balader. C’était loin du calme que tu appréciais après une journée à te faire bourrer le crâne par tes cours. Yoshi te regardait avec des yeux qui rêvaient plus que d’aller faire une promenade depuis que tu avais mis la main sur la laisse. Le petit chien noir venait même gratter ta jambe l’air de te faire comprendre que tu n’allais pas assez vite à son goût. Le message était bien passé et tu te contentais d’embarquer une tablette de Hershey’s pour le chemin. Tu files tout aussi vite que tu étais revenue, te contentant de griffonner un mot que tu laissais traîner sur la table de salon expliquant pourquoi le chien avait disparu. Tu savais bien que ça ne servirait pas à grand chose, que personne ne le lirait mais au moins tu te donnais bonne conscience.

Ce n’était pas sans t’être battue avec ton chien pour qu’il rentre dans ton sac à dos que tu avais pris le métro. Foutue loi qui n’autorisait plus les chiens sans qu’ils ne soient dans un sac pour prendre le métro. Comme tu n’étais pas spécialement motivée pour te prendre une amende aujourd’hui, tu te pliais aux règles. Enfin, tu avais bien râlé tout le trajet pour la forme. Expliquant à ton chien qui cherchait à sortir du sac que toi non plus ça ne t’enchantait pas des masses cette idée. Heureusement, bien vite l’air chaud de New York venait de frapper ton visage. Tu pouvais marcher, Yoshi pouvait marcher lui aussi. Depuis trois ans que tu vivais ici, trois ans que tu faisais ce trajet pour rejoindre ce qu’on appelait le poumon de New York, tu n’avais pas besoin de réfléchir pour te guider. Tu évitais les touristes qui semblaient perdus. Tu filais à toute allure vers le parc. Le jour durait encore longtemps alors il y avait du monde. Il y avait tout ces enfants qui couraient dans tous les sens. Il y avait les joggeurs qui avaient besoin de dépenser leur énergie débordante. Il y avait les artistes qui peignait. Ces toiles auxquelles tu aimais jeter un oeil admiratif au passage. Ces oeuvres que jamais tu ne réussirais à faire parce que tu n’avais pas la patience pour dessiner. Ton schnauzer nain gambadait avec enthousiasme devant toi. Lui aussi ça lui faisait du bien de se défouler, de voir autre chose que Brooklyn. Tu profitais de cette journée si douce, tu te délectais de la bonne ambiance générale. Ton chien s’amusait, sans laisse parce qu’il était suffisamment bien dresser pour t’obéir lorsque tu le rappelais. Sauf que catastrophe. Un bout de verre venait gâcher cette si jolie promenade. Tu voyais ton chien ralentir sa course, puis se mettre à boiter. Tu te baissais vers lui, pour regarder. Pas mal de sang. Une coupure. Tu t’en foutais partout.  « Putain ! Merde, merde, merde ! » Il ne fallait pas que des enfants passent par là, tu étais loin d’être un exemple sur ta façon de parler. Tu finissais assise par terre, du sang sur les mains à la recherche de n’importe quoi pouvant servir de pansement dans ton sac à dos. C’était la panique.

Yoshi était dans ta vie depuis pas si longtemps. Il t’avait été offert par ta mère pour ton anniversaire il y a deux ans. Ça n’avait pas été facile de faire accepter le chien à tes colocataires. Ils avaient toujours considéré qu’il n’y avait pas de place pour un animal. Pourtant, tu les avais supplié, cherchant tous les points positifs qu’un chien apporterait à votre vie. Mais non. Leur réponse était définitive. Alors, tu avais rusé. Tu avais dit à ta mère que c’était bon, qu’elle pouvait t’offrir ton chien. Tu ne lui avais pas précisé que les deux avec qui tu vivais n’était pas d’accord. Elle n’avait pas besoin de connaitre ce détail. De toute façon, elle ne l’avait jamais appris puisque quand elle venait à New York, elle logeait chez ta soeur. Tu avais retrouvé ta mère là-bas et vous étiez allées chercher le petit chiot noir chez son éleveur. Elle n’avait pas eu à croiser tes colocataires. Tu avais craqué immédiatement sur le chien quand tu l’avais vu. C’était le plus actif de la portée, celui qui faisait le plus de bêtises. De toute évidence, ce chiot était fait pour toi. Tu étais repartie avec lui et tu l’avais imposé à l’appartement. Comme tout le monde craquait devant la bouille d’un chiot, Yoshi n’avait eu aucuns mal à s’imposer. Maintenant, tout le monde tombait sous son charme. Même tes colocataires avaient craqué. Sauf, qu’ils ne voulaient pas l’avouer.

Tu n’avais pas forcément tout le temps que tu voulais à consacrer à ton chien. Tu ne pouvais pas l’emmener partout avec toi pour ton plus grand désespoir. Tu détestais que la plupart des lieux soient interdis aux chiens. Ce n’était pas juste de ne pas pouvoir prendre son animal de compagnie avec soit comme on le voulait. Tu pestais chaque fois que tu voyais un endroit avec ce panneau d’interdiction. Heureusement, à Central Park, Yoshi avait le droit de venir et de s’épanouir pleinement dans cet environnement. Si tu avais espérais que la promenade se passe bien, c’était raté. Tout était compromis alors que Yoshi avait marché sur un bout de verre. Son coussinet était entaillé et tu ne savais pas quoi faire. Tu paniquais complètement, ton coeur se serrant alors que tu imaginais que ton chien devait souffrir. Tu détestais cette idée et tu aurais pouvoir prendre la douleur à sa place. Malheureusement, c’était impossible. Tu paniquais dans cette situation et tu ne trouvais rien qui allait pouvoir te servir pour arrêter le saignement. Tu ne voyais plus rien autour de toi, tu te contentais de râler sur ton sac à dos et sur les mouchoirs que tu semblais avoir oublié à l’appartement. C’était toujours comme ça, dès que tu avais besoin de quelque chose tu ne l’avais pas. Tu sortais de tes pensées en entendant une voix s’adresser à toi. Tu relevais la tête et tu découvrais un blond qui devait avoir environ ton âge. Ses mots te parvenaient aux oreilles. Il faisait des études vétérinaires ? C’était une très bonne chose. Il allait pouvoir venir en aide à Yoshi et peut être réussir à stopper ce saignement.  « Oui s’il te plait, donnes moi un coup de main. T’aurais quelque chose pour essayer de stopper ce saignement ? »