Ayant achevé sa journée de travail, Vitaly finissait de ranger ses quelques affaires dans son sac en cuir. Il raccrocha son tablier dans le casier qui portait son prénom, avant de quitter les vestiaires jusqu’à la prochaine fois. « Ouais, on se voit demain ! C’est bon, j’en ai marre de vous pour aujourd’hui » lança le Russe sur le ton de la plaisanterie en sortant du café où il travaillait de manière assidue ces dernières semaines. Il avait eu de la chance cette fois-ci, puisqu’il était tombé sur des collègues très sympathiques, avec qui il n’était résolument pas désagréable de passer le temps. Ce n’était malheureusement pas toujours le cas, et en quatre années, Vitaly avait eu sa part de malchance pour ce qui était des patrons profiteurs et autres énergumènes imbuvables. Alors il faisait à présent attention aux endroits où il postulait, afin d’éviter le moindre désagrément. De plus, ledit café se trouvait à Brooklyn, un quartier que le Russe appréciait beaucoup. Peut-être qu’un jour il quitterait Manhattan pour rejoindre cette partie de New York.

Pour le moment, le rêveur déambulait dans les rues d’un pas léger. Il avait enfoncé des écouteurs blancs dans ses oreilles, qui étaient eux-mêmes branchés au fameux téléphone portable qui lui avait coûté un bras. Mais à New York, la ville qui ne dormait jamais, ne pas avoir un iPhone relevait du sacrilège lorsque l’on se disait être un « vrai » new-yorkais. Et puis, il fallait bien soutenir l’économie nationale, puisque le Président actuel, Donald Trump, semblait avoir oublié les raisons qui avaient poussées les Américains à voter pour lui. La dernière chanson du groupe The Neighbourhood résonnait, atténuant le brouhaha ambiant qu’il était probablement impossible d’éviter - à moins de s’acheter un casque digne de ce nom, mais le Russe n’avait pas envie de sacrifier un autre bras. Et puis, il appréciait ce bourdonnement, qui était si caractéristique aux grandes villes.

Alors qu’il passait à proximité d’un bâtiment aux néons lumineux, le blond remarqua du mouvement du coin de l’œil. Il continua sa route sans y prêter attention, lorsqu’il lui sembla entendre une voix familière s’élever contre quelqu’un. Vitaly décida de tourner la tête dans cette direction. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il reconnut Dana, aux côtés d’un homme… ou plutôt d’une véritable montagne sans un poil sur la boule. Il retira ses écouteurs presque instantanément, en les roulant en boule dans sa main, afin d’essayer de comprendre la situation qui s’était présentée à lui, d’autant plus que l’une de ses amies les plus proches était impliquée.

Son amie lui demandait de son aide. Son sang ne fit qu’un tour, l’expression de Vitaly se durcit dans un réflexe de fermeté qui lui était resté depuis son passage à l’armée. Dana avait besoin de lui, et même s’il ne savait pas ce qui avait bien pu se passer pour qu’elle se retrouve dans ces circonstances, il était là pour elle. Le Russe s’approcha, le visage  aussi froid que son pays d’origine. « Je vais m’occuper d’elle » confirma-t-il à l’attention de l’homme menaçant, en n’hésitant pas à le toiser à son tour. « T’es qui toi ? » répliqua le videur, sans ciller. « Son grand frère, ça se voit pas ? On a la même couleur de cheveux. Elle s’est encore mise dans le pétrin apparemment » mentit le Russe ouvertement, alors même que la teinte de leurs chevelures respectives différait de quelques tons ; l’un blond, l’autre brune. Pourtant, cela ne sembla pas déranger le geôlier de la jeune femme. Après quelques secondes sans aucune réaction, l’homme finit par acquiescer. Vitaly leva les yeux au ciel, et lâcha un soupir agacé. « Allez viens Dana, on rentre. » Il la tira par le bras, au risque de lui faire mal certes. Mais au moins, c’était une manière efficace de montrer au grand vigile qu’ils partaient tous les deux. Plus les deux amis s’éloignaient de son rayon d’actions, moins ils risquaient de se faire courser par ce videur qui ressemblait un peu trop à Dwayne Johnson.

Arrivés dans une rue adjacente, le Russe finit par lâcher le bras de son amie. Il perdit immédiatement son masque de froideur, remplacé par une expression gênée. « Désolé pour ton bras ma belle, mais je n’avais pas le choix » s’excusa Vitaly, son regard tombant sur l’endroit où il avait serré le bras de Dana, sûrement un peu trop fort. Il passa nerveusement une main dans sa chevelure. « T'es tombée sur un sacré colosse Dana quand même. Qu'est-ce qui s'est passé ? »