L'alcool montre vite, trop vite. Chris a perdu l'habitude de boire autre chose que des smoothies et des thés beaucoup trop chers. Cet anniversaire risque bien fort de se solder par un mal de crâne abominable, mais pour l'heure, le blond peine à estimer clairement le nombre de verres qu'il peut continuer et à servir, et à ingurgiter sans risquer gros le lendemain. Par chance la petite bande se déhanche toujours sur la playlist confectionnée par Anna, tandis qu'il ramasse joyeusement les assiettes pleines de miettes pour charger le lave vaisselle. L'entreprise est d'ailleurs plus compliquée que prévu, et Chris offre un sacré visuel sur son postérieur tandis qu'il tente malgré la vision trouble, d'aligner les assiettes sans les disposer de travers, ce qui serait absolument contre productif pour tout dire. Lorsqu'il se relève, il constate qu'il n'est plus seul dans la cuisine. Une âme charitable s'est en effet portée volontaire pour aider à débarrasser les quelques assiettes restantes.  Conscient qu'Andrea ne l'aime pas beaucoup, Chris tente vaillamment une approche, une approche téméraire, largement influencée par son taux d'alcoolémie. « Hey birthday boy. Tu re veux du gâteau ? J'y ai vraiment mis du cœur. Ce serait bête de gâcher. » D'ailleurs, Chris se laisse tenter par un nouveau morceau dudit gâteau. Celui avec la note de fruits rouges et d'amandes est indéniablement une réussite. A croire que la pression de réaliser le gâteau d'anniversaire de quelqu'un qui ne vous porte pas spécialement dans son cœur aide finalement à faire quelque chose de décent lorsqu'il s'agit de pâtisserie. Le blond se lèche un peu le doigt et se sert un verre contenant bien plus de rhum que de jus de fruit. « Tu veux boire quelque chose ?  Une envie particulière ? C'est ton anniversaire aussi après tout. Fais toi plaisir. »

Cet anniversaire n'est pas si horrible que prévu. Ce qui est horrible, en revanche, c'est la quantité d'alcool déjà ingurgité par Andrea qui aurait dû s'en tenir, conformément aux avis de son médecin et aux préconisations du traitement qu'il prend tous les jours, à deux verres maximum. Mais l'angoisse, le fait qu'il soit arrivé trop tôt, et la pression qui découle du fait d'être le centre de l'attention, même pour quelques heures, ne l'aident pas à se tenir éloigné de l'alcool, pas plus que ses amis et Anna qui naturellement l'encourage à se détendre - sans le pousser ouvertement vers la bouteille, cela dit. Grandes sont les chances pour qu'il souffre dès le lendemain matin, mais pour l'heure, il tâche de ne pas trop y penser, car effectivement, contre toute attente, Andrea se sent mieux. Moins engoncé, moins stressé, moins pénible, aussi, sans doute. Il termine à peine son verre quand il aperçoit Chris qui débarrasse les assiettes pendant que les autres continuent de danser - et décide, sans savoir pourquoi ni par quelle motivation il est poussé, de lui emboîter le pas jusque dans la cuisine en ramassant lui même quelques couverts au passage. Quand il arrive, le blond est penché en avant sur le lave-vaisselle - et Andrea ne peut pas vraiment s'empêcher de s'arrêter dans son élan pour dévisager - well, dévisager n'est pas le terme approprié - fixer les... fesses de Chris. Moulées dans un jean qui lui va à la perfection. Andrea déglutit, tâchant de reprendre ses esprits pour avoir l'air tout à fait normal quand le blond lui adresse la parole. « Du gâteau. Ouais. Pourquoi pas... », il répond en hochant la tête - vite, une amabilité. « Il est très bon. Merci. De l'avoir fait, je veux dire. » Il soupire en disposant à son tour les couverts dans le lave-vaisselle et se redresse au moment où Chris lèche son doigt. Il se mord la lèvre, mal à l'aise, traversé par ces idées bizarres et inconvenantes qui lui titillent un peu l'esprit et qu'il parvient bien mieux à ignorer quand il n'est pas bourré. Well. « Pourquoi pas, oui. La même chose que toi. S'il te plait. Merci. » il grimace en s'entendant parler et prend une inspiration, rejetant son attention sur la part de gâteau supplémentaire qu'il s'autorise. « Joyeux anniversaire, d'ailleurs ».

Chris sent le regard d'Andrea Kennedy se poser sur lui de façon absolument gênante. Mais l'alcool aidant, il n'y prête pas vraiment attention. Au contraire, il découpe des petites parts de gâteau avec une application respectable au vu de l'heure. Les petites fringales se prennent au sérieux dans la colocation, et hors de question de bouder sa plus belle création. Chris tend une assiette ainsi qu'une cuiller à sa doublure, en accompagnant le tout d'un sourire amical. Malgré les nombreux cocktails, le blond tente tant bien que mal de se faire bien voir par le meilleur ami d'Anna. Il n'est pas idiot, il sait que le brun aurait préféré faire son anniversaire sans s'imposer sa compagnie désagréable, mais il a bien du mal avec l'idée qu'on ne l'aime pas, raison valable ou non. Une question d'honneur, Chris est un garçon gentil. Alors il sort ses plus beaux sourires, s'assoit sur le rebord du plan de travail avec son cocktail tout en mangeant son morceau de gâteau. Si Chris ne le réalise pas vraiment, sa gêne mêlée d'une intense volonté de convaincre Andrea de lui laisser une chance, lui donne quelques airs aguicheurs qu'ils ne calcule pas. Après un regard curieux, il répond donc : « Oh c'est rien, j''étais lancé, j'adore la pâtisserie. » Il se saisit de la bouteille de rhum et tente de servir un verre à son invité sans en renverser partout sur le plan de travail. Malgré la dangerosité du geste, il s'en sort avec les honneurs et tend son verre trop corsé en rhum au brun. « Joyeux anniversaire à toi aussi. » Il repousse son verre pour éviter de l'envoyer sur le sol d'un geste mal placé et ajoute. « J'espère que ça t'a plu. Je n'étais pas sûr pour les fruits rouges... »

Andrea se demande, du fin fond de son esprit brumeux, si Christopher est en train de le... draguer. Des rumeurs lui prêtent des relations antérieures avec des hommes - ces choses-là n'intéressent pas vraiment Andrea. Il a gardé de son éducation ce côté sérieux, travailleur et compétitif que ses parents lui ont inculqué. Ce n'est pas vraiment de sa faute ; c'est même plutôt un avantage. Ca fait de lui un garçon genre, qui se soucie des autres, suffisamment en tout cas pour ne pas se prêter au jeu des rumeurs. Toujours est-il qu'une rumeur parvenue aux oreilles d'Andrea prête à Christopher des relations avec des hommes, et qu'Andrea n'a pas osé en demander la confirmation à Anna, et ce pour deux raisons. D'abord, parce qu'il ne veut pas avoir l'air d'en avoir quelque chose à faire ; ensuite, parce que s'il demande, elle pourrait s'imaginer des choses. Et Andrea n'a pas les épaules suffisamment solides pour avoir une conversation vérité avec Anna. Pas pour l'instant, en tout cas. Il a besoin de rester dans son ignorance naïve, dans son déni féroce. Dans cette abstraction de la réalité qu'il s'impose à soi-même. S'il était moins idiot - ou peut-être, s'il était moins traumatisé par une éducation conservatrice qui a laissé des traces malgré le fait qu'il s'en soit libéré - Andrea saurait sans doute analyser cette haine mêlée d'intérêt qu'il ressent. Il pourrait sans doute admettre que ses yeux aiment balader le corps de Chris. Qu'il éprouve pour lui une attirance qui n'a pas grand chose à voir avec une haine pure et simple. Mais il ne sait pas, il ne voit pas, n'entend pas. Il a des oeillères et refuse d'analyser les choses. Pourtant, ce soir, l'esprit alcoolisé d'Andrea se demande avec un intérêt non feint si Chris est en train de le draguer pour de vrai. Il lui rend son sourire et penche un peu la tête en s'emparant d'une cuillère de gâteau qu'il se glisse dans la bouche, dans une tentative d'imitation sensuelle involontaire, sans doute, juste pour voir si Chris est réceptif autant que lui peut l'être. « J'adore les fruits rouges », il lance, en léchant un peu la cuillère. Il fait une pause pour avaler une gorgée de son cocktail - et grimace, il est bien trop fort. « T'as tout pour me plaire. Enfin, tout fait pour me plaire. Dans le mile, quoi. » Il rougit un peu et, plutôt que de détourner les yeux pour cacher son trouble, fixe Chris sans bouger le regard. « T'es vraiment doué dans tous les domaines, alors ? » Après avoir léché de sa cuillère les derniers morceaux de gâteau, Andrea abandonne l'assiette pour se concentrer sur son verre, sans réaliser vraiment qu'il est en train de s'adonner à une honteuse salve de flatteries.

La situation ne serait pas si bizarre, si ils s'étaient contentés de s'ignorer ou presque comme ils l'ont fait toute la soirée. Seulement Andrea a décidé de venir l'aider, et il ne semble pas décidé à quitter la cuisine ou ils se sont isolés. Pire encore, Chris a la très nette 'impression que le brun l'aguiche, ce qui ne lui pose d'ailleurs aucun problème avec autant d'alcool dans le sang. Mieux encore, le blond est flatté, heureux d'avoir l'occasion de faire une bien meilleure impression à sa doublure qu'il ne l'a fait jusque là. Entrer dans son jeu n'est pas forcément une bonne idée pour autant, mais Chris se laisse entraîner sans demander son reste. Une faiblesse malheureusement bien caractéristique de sa personnalité. Aguicheur à son tour, il joue lui aussi avec sa cuiller, l'air impertinent. A sa remarque sur les fruits rouges, Chris lui adresse d'ailleurs un sourire ravageur. « Tant mieux alors... » La suite de la conversation prend une tournure on ne peut plus explicite, et Chris n'a plus aucun doute quant aux intentions d'Andrea. L'alcool fait son petit effet, la distance entre les deux garçon se réduit drastiquement. « Je me débrouille en cuisine et en chant, disons que c'est suffisant pour impressionner quelques personnes. Pour le reste, c'est un peu plus subjectif j'imagine... » Il garde le même sourire colgate, et apporte doucement sa boisson beaucoup trop alcoolisée jusqu'à ses lèvres. « Enfin, tu t'es déjà fait une idée non ? J'arriverais probablement pas à te faire changer d'avis. » Il hausse une épaule, désinvolte, mais taquin aussi. Très mauvaise idée, mais une mauvaise idée qui revient étonnamment souvent.

Andrea ne sait pas exactement à quel jeu il est en train de jouer, pour être tout à fait honnête. Mais une partie de son esprit, celle qui continue de réfléchir – bien qu’influencée par l’alcool – se dit que Christopher Forbes est obligatoirement en train de lui faire du rentre dedans. Entre ces phrases charmantes, ces petites attentions et son jeu de cuillère – il se passe forcément quelque chose. Et il y a cette partie d’Andrea, qui est aussi bourrée mais qui le définit particulièrement bien, en dehors des doutes, des questionnements sur sa propre sexualité, sur sa volonté, sur ses attirances, toutes ces choses auxquelles il évite de penser en temps normal parce qu’elles sont difficiles, voire peut être douloureuses, il y a cette partie de lui qui ne peut s’empêcher d’apprécier que l’on s’intéresse à lui. Lui qui est désespérément célibataire, qui enchaine les histoires avortées, ratées, sans lendemain, lui qui a l’impression de n’avoir qu’Anna dans la vie, et leurs colocataires dont il se sent moins proche. Personne ne le drague jamais – ou alors à de très rares occasions, quand il n’est pas trop impressionnant, ou quand il n’inspire pas un cruel manque de confiance en lui. Même quand il était étudiant en droit, il n’était pas très doué avec les filles – ni pour leur faire la cour, ni pour les satisfaire de quelque manière que ce soit, d’ailleurs.

Andrea acquiesce, lentement mais surement, tout en continuant de dévisager le blond. Il avale une nouvelle gorgée de son rhum – parce qu’on ne sent pas vraiment le jus de fruit, là dedans. Il songe un millième de seconde à l’état dans lequel il se trouvera demain – un état pitoyable qui sera ponctué, sans le moindre doute, par la honte colossale qu’il ressentira à l’idée de ce petit jeu qu’il joue ce soir sans la moindre gêne. « Se débrouiller n’est pas exactement le terme que j’aurais choisi… Ni pour le chant, ni pour la cuisine », il lâche en haussant une épaule, amusé. Il joue un peu avec le rebord de son verre sans lâcher Chris des yeux. Bien qu’alcoolisé, ce petit jeu lui plait – ça éveille en lui des instincts particuliers, un peu enfouis, depuis le temps. Il aime la sensation qui l’étreint soudainement. Voilà que Chris le taquine et, bien malgré lui, Andrea fonce les sourcils. Il n’aime pas trop cette piqure de rappel à leur relation compliquée. Ce soir, alcoolisé et dragueur – sans doute – Andrea peine à se souvenir pourquoi il voue une haine aussi profonde à Chris. Sincèrement. « Si », il finit par murmurer, avant de terminer son verre cul-sec pour se donner du courage. Il se tourne un peu, pour faire face à Chris qui est installé sur le plan de travail. « Tu pourrais essayer de me convaincre, je ne suis pas un garçon trop têtu, ni fermé aux débats… » il ajoute dans un murmure, en plantant son regard dans celui du blond.

Andrea lui fait des compliments et Chirs ne s'y attends pas du tout finalement. Malgré l'évidente tension qu'ils ont instauré sans s'en rendre compte, les commentaires valorisants qui s'échappent de la bouche de son understudy sont toutes aussi surprenantes que ses avances alcoolisées. Quelque chose se produit dans cette cuisine, quelque chose qui a tout à voir avec l'alcool qu'ils n'ont pas l'habitude de consommer avec si peu de modération. Mais Chris ne se méfie pas, il n'a jamais eu cette clairvoyance lorsqu'il s'agit d'alcool. Alors il continue de le fixer avec un regard bien différent de ceux auquel le blond a habitué Andrea jusque ici. Un jeu s'installe, dangereux sur le fond, beaucoup trop plaisant sur la forme. Réfléchir a tout l'air d'une mauvaise idée, Chris ne s'y risque pas, souriant avec chaleur, tout en apportant un nouveau morceau de gâteau jusqu'à ses lèvres.

Lorsque Andrea lui dit qu'il n'est pas forcément fermé au débats, le sourire de Christopher s'élargit et il hausse une épaule amusé. Leur regards se croisent un instant puis le blond rejette la tête en arrière comme si il cherchait l'inspiration en fixant le plafond. « Je crois que tu es un garçon très têtu au contraire, ce n'est pas forcément un défaut d'ailleurs. C'est de.. l'obstination ? » Chris tourne la tête pour croiser son regard de nouveau. « Mais dis moi plutôt, qu'est-ce qui est si insupportable chez moi alors ? Mis de côté les considérations de compétition pour Danny, j'imagine bien qu'on a dépassé ce stade toi et moi... »

Le blond n'a jamais été d'une nature jalouse, principalement parce qu'il n'a jamais eu à envier qui ce soit. Famille aimante, bel appartement, situation financière stable et privilèges, il ne connaît pas grand chose d'autre que la vie beaucoup trop facile qu'il exhibe. Si il était conscient de renvoyer une image aussi lisse et superficielle, il serait sans doute heurté par la réalisation. « Enfin j'espère... » Chris affiche cette fois une moue innocente, bien que ses intentions elles, soient tout sauf innocentes. Animal social et chaleureux par nature, il s'abandonne bien vite corps et âme au jeu de la séduction, quitte à le regretter le lendemain.

Son esprit embrumé l'empêche de percevoir le danger de la situation. Non, tout le corps d'Andrea n'est tourné que vers ces minutes étonnantes, nouvelles, excitantes. Ce petit jeu qui s'est installé entre eux et qui n'a définitivement rien d'habituel ; d'habitude, Andrea n'aurait pas répondu avec autant d'entrain. D'habitude, il n'aurait pas bu autant d'alcool. Mais son incapacité à se sentir à l'aise en société aidant - ce qui est un comble, quand on pense au métier qu'il exerce - il a dépassé ses doses habituelles d'alcool et la chaleur a remplacé tous les sentiments de doute qui le traversent habituellement. Il est tout entier consacré à cette conversation qui n'en finit pas de le surprendre, et il ignore, volontairement peut-être, avec tout ce qu'il lui reste de capacité d'analyse, les petites voix qui l'alertent sur ce qu'il est en train de faire.

Du coup, il y va de sourires et de phrases bien tournées - en tout cas dans son esprit alcoolisé - tentant de faire aussi bien que son adversaire au jeu de la séduction, parce que le moins que l'on puisse dire, c'est que Chris sait très bien comment faire ces choses là. La question qui suit lui pose une colle, cela dit. Son esprit franc, carré et ordonné a envie de répondre de la manière la plus honnête qui soit à cette question, et ce d'autant plus que ce même esprit n'est pas bridé par son habituelle sobriété et les pieds qu'Andrea garde bien ancrés sur terre. Il aimerait rire un peu et trouver une façon séduisante de répondre à Chris que tout est absolument insupportable chez lui - fort heureusement, il ravale ses mots. Parce que Christopher ne les comprendrait sans doute pas s'ils étaient sortis de la sorte ; qu'il se vexerait, et qu'il aurait raison, sans aucun doute. Et alors la conversation prendrait fin, les ramenant tous deux à la soirée qui se déroule dans le salon. Thing is, Andrea n'a pas envie que la conversation s'arrête - pas maintenant. La chaleur qui l'étreint soudainement est trop appréciable pour qu'il n'y renonce déjà, malgré sa propre force de conviction.

« D'accord, tu as gagné. Je suis têtu », il concède d'abord, en prenant une inspiration pour tenter de démêler ses pensées, ce qui n'est pas une mince affaire, rapport aux litres d'alcool déjà ingurgités. « Obstiné, peu importe. Mais ça m'a permis de... Je sais pas. De m'en sortir. Un peu. » Il grimace, ravalant les détails ennuyeux sur son enfance pénible dont il n'a pas envie de faire état pour l'instant. Jamais, même, à tout bien y penser. « C'est cette espèce de compétition pour les mêmes rôles, j'imagine. Ca, couplé au fait que j'ai la défaite amère, sans aucun doute - parce que je suis têtu. Ca n'a pas été si facile que ça pour moi de me lancer dans ce métier, et je travaille vraiment dur, mais c'est le jeu ». Bon. Son côté sobre penserait sans doute nettement moins que c'est le jeu, pour être tout à fait honnête. Mais au moins, il n'a pas gâché la conversation. Il se penche un peu plus en avant et offre à Chris un sourire en coin, charmeur, bien différent de ses sourires de composition habituels. « Un peu de compétition, ça ne fait jamais de mal cela dit, si ? » il demande, dans un murmure, en sirotant une gorgée de son verre. « Ca... pimente ? »

Chris le toise légèrement, probablement parce qu'il s'attend à une déferlante de critiques sévères sur sa personne. Andrea ne l'aime pas beaucoup, c'est un fait, même si visiblement il n'a pas l'air d'être indifférent à ses charmes non plus. Tout s'embrouille de façon finalement bien arrangeante pour Christopher, étonnamment bien moins doué au jeu de la réflexion qu'à celui de la séduction. Alors, il laisse un sourire s'esquisser au coin de ses lèvres, un sourire qui illumine presque instantanément son visage. Le blond n'est pas complètement idiot, sa confiance en lui est loin d'être nouvelle non plus. Il sait qu'il plait, il ne s'attendait seulement pas à ce qu'Andrea fasse partie de ses admirateurs pour être parfaitement honnête. Du haut de son comptoir, il a le regard provoquant, espiègle, souligné d'un soupçon d'immaturité que l'alcool ajoute par principe. « Et moi je ne suis pas un type torturé qui a tout plaqué pour faire de la musique. Je sais, tout le monde pense que tout est beaucoup trop facile pour moi. » Chris hausse une épaule, à la fois agacé et provocateur. « Et c'est sûrement vrai après tout. Ca ne m'empêche pas de travailler dur comme tout le monde pour que ce show fonctionne. Et on the plus side, tu gagnes plus que moi. » Il lui adresse un clin d'oeil amusé, il ne peut pas s'excuser d'être issu d'une jeunesse dorée qui n'a jamais vraiment eu à se préoccuper de tout ça. D'ailleurs la compétition connaît ces gens là plus qu'elle ne le connaît lui. Ce n'est juste pas ce qu'il est. Chris a des tas de défauts, mais pas celui là.

Il aimerait dire qu'il comprend Andrea, mais ce n'est pas le cas. Alors il lui offre un soupir couplé d'un nouveau haussement d'épaule. « Si ça marche pour toi alors c'est tant mieux, moi je trouve ça dommage, et à moins que ma personnalité t'insupporte vraiment, je pense qu'on aurait pu être amis. C'est un peu plus sain que la compétition dans l'esprit. » Plus simple à dire qu'à faire sûrement. Andrea n'a jamais montré spécialement d'envie à l'idée de faire partie de ses amis. C'est tout juste si il lui a adressé la parole de la soirée. « Enfin, ce n'est que mon humble avis. » Il prends une dernière cuiller de gâteau et se lèche doucement les doigts. « Mais on est pas obligés d'être amis... » Il précise, puisque de toute évidence, c'est tout autre chose qui intéresse Andrea.

Andrea hausse une épaule plus ou moins défaitiste. « Ce n’est pas question de savoir ce que tout le monde pense, c’est un fait pour moi », il marmonne, l’alcool embrumant son esprit torturé encore un peu plus. Déjà qu’en temps normal, il n’est pas facile de penser avec le cerveau complexe d’Andrea – mais quand l’alcool, mêlé de médicaments, s’en mêle, il est à deux doigts de ne plus vraiment comprendre ce qu’il raconte lui-même. « J’ai vraiment eu du mal, c’est tout. J’ai toujours peur que ma carrière se termine à cause d’un rôle raté ». Il se demande soudainement pourquoi il est en train de raconter ça comme s’il parlait de la chose la plus normale du monde. Il marque une pause, sans détacher son regard de celui du blond, et prend une profonde inspiration. Il ne se sent qu’à moitié à son aise, là, comme ça. Pourtant, ses gestes ne sont dictés que par son inconscient, une forme de pilote automatique qui le pousse à ne pas trop réfléchir à mesure que les mots passent ses lèvres.

« On aurait pu, peut-être. » Il fronce les sourcils et soupire un peu, comme s’il était en train de réfléchir pour de vrai à la possibilité de leur amitié. A la toute origine du problème de ce constat, il faut bien reconnaître qu’Andrea n’est pas très doué pour se faire des amis, de manière générale. Rien n’est arrangé quand, en plus, la personne concernée lui pique ses rôles avec son insupportable sourire colgate. Il soupire, comme agacé par ce constat – mais se débrouille tout de même pour ne pas se montrer offensant, parce que, vu la tournure de la conversation maintenant, Andrea n’a vraiment pas envie que Chris ne prenne la fuite. « On peut peut-être réfléchir à la question de notre amitié après ce soir ? » il suggère, d’une voix basse, à peine murmurée, en penchant un peu la tête sur le côté comme il se mord la lèvre, gêné, ou feignant une forme de gêne qu’il ne ressent pas vraiment, parce que l’alcool l’en empêche, sans doute encouragé par sa foutue maladie qui a tendance à le désinhiber quand il fait le moindre excès. A nouveau, il se penche un peu en avant, de manière à s’approcher du blond qui devient soudainement source d’interrogation à ses yeux. « Ce soir, j’ai pas tellement envie d’élargir mon cercle d’amis ? » il murmure, sans trop savoir si vraiment, c’est lui qui a osé dire ça.