the story of love.
février 1988 + être la première sans être l'espérée. Petite princesse Mia n'est pas l'héritier qu'on attendait. Qu'importe, dans l'attente du fils prodigue, on chouchoutera la princesse, elle ne manquera de rien. Mais elle ne sera jamais le fils.
1989 + une deuxième fille. Coup du sort.
1992 + Le fils prodigue tant espéré.
2000 + avis de tempête, le navire coule. On nos répète que tout ira bien, que les choses ne changeront pas tellement. Déchirement, mensonges. Leur divorce se passe bien, tout le monde est surpris. Et moi je sombre d'avoir perdu cette famille parfaite.
septembre 2008 + entrée à Columbia. Je cherche à faire le meilleur, je veux prouver que je suis capable d'être au moins aussi bien que si j'avais eu un frère avant moi. Personne ne doit en douter, moi la première. Alors je me lance à étudier l'économie, les marchés, la vente. Parce qu'ils doivent être fiers de moi.
été 2010 + une soirée dans un bar branché, des étudiants de l'upper east side un peu alcoolisé, un concert, un guitariste, quelques verres. Lui.
octobre 2010 + certaines tombent amoureuses, c'est pur, ça les élève, moi je suis tombée amoureuse comme on tomberait d'une chaise. Il ne m'a pas demandé mon avis. Un jour ces trois mots se sont échappés de mes lèvres, comme si cela avait une importance cruciale sur le moment.
2012 + diplômée, embauchée. J'aurais aimé penser qu'ils étaient fiers de moi.
14 Octobre 2014 + quatre ans. Des cris, des pleurs, des réconciliation, des engueulades au téléphone, des je t'aime soufflé à tout moment de la journée, ses doigts dans les miens, ses yeux qui pétillent. un dîner, des fleurs, une question. Oui.
Février 2015 + pas de cris cette fois-ci. La porte a claqué, sans cérémonie, sans retour possible. Longtemps j'ai espéré, qu'il hurle, qu'il m'en veuille, qu'il réagisse pour une fois. Le silence. Rien de plus. Puis plus rien.
Mars 2015 + réfugiée dans l'ancienne demeure familiale, un peu perdue, plutôt loin de tout. Un anniversaire sans rhys, cette indifférence la plus complète, cette absence qui obsède. Des sensations étranges, l'angoisse, la peur, le dénouement. Un petit plus, le regard d'une mère sur sa fille qui s'apprête à voir sa vie changer. "Appelle le. Il doit savoir." Promis, je le ferais. En rentrant de déplacement, je lui dirai.
Mars 2015 (2) + une chambre d’hôpital, le froid, le vide. Cette envie de hurler quand aucun son ne sort de ma gorge. Pas de douleurs. Juste, le vide. Cette insupportable envie de l'appeler, de lui dire, le supplier de prendre le premier avion pour vivre ça avec moi. Se raisonner. Laisser l'envie reprendre le dessus. Abandonner. Se raisonner vraiment. "Maman ? Il faut que tu viennes..." Parce qu'il n'y a qu'une mère pour comprendre la sensation étrange qu'on a lorsqu'on perd un enfant.
Juin 2015 + un nouvel appartement après quelques mois de retour aux sources. Le besoin de changer, de ne plus rester couvée par une mère bien trop compréhensive. L'horreur à chaque regard dans le miroir. S'imaginer ce que cela aurait pu être, d'être une future jeune maman. Sentir son ventre se tordre à chaque nouvelle pensée pour ce bébé. Essayer de respirer. Se savoir coupable. Pleurer, beaucoup, pour s'éviter l'humiliation en public. Se souvenir de cette date de mariage qu'on avait fixé. Fermer les yeux, ouvrir une bouteille de vin. Faire le vide pour de bon.
Juin 2017 + en vouloir au monde entier. A quoi bon tout donner ? N'être jamais à la hauteur, rester le second choix, avoir honte, garder ses secrets. Sourire, chaque jour, sans rien laisser paraître. Rentrer dans un appartement si vide qu'il en paraît immense. Ouvrir une bouteille de vin sans même prendre le temps de la déguster. Faire semblant de vivre.