Callie serre les dents alors qu’elle se dirige vers le commissariat afin de procéder au dépôt de plainte. Elle doit se montrer forte, ne pas craquer. Mais elle vient de sortir de l’hôpital où il lui a fallu procéder à la reconnaissance du cadavre. Et elle n’a même pas lui demander s’il était d’accord avec tout ça. Ayant subi une amnésie partielle, le jeune homme ne pouvait se rappeler de son agresseur. Celui-là même qui l’avait frappé à sang avant de le laisser inanimé sur le trottoir, souffrant de blessures qui auront fini par lui coûter la vie. Son cousin, son propre cousin. C’était lui qui l’avait battu à mort, alors qu’il était déjà sans domicile fixe, mis à la porte par sa famille en raison de sa sexualité. Ça n’avait aucun sens. C’était de la méchanceté gratuite. Mais le jeune homme n’était pas du genre rancunier et Callie se demandait s’il n’avait pas simulé une amnésie dans l’unique but de protéger un membre de sa famille. Cette famille qui l’avait détruite mais envers laquelle il n’avait aucune colère. La peintre ne pouvait s’empêcher de le trouver courageux. Mais en même temps, elle ne pouvait pas rester impassible. Il était son petit protégé, elle avait passé du temps à lui parler. Avec le temps, il était presque devenu un ami. Et au fond, elle savait qu’il la voyait comme une figure maternelle. Alors elle ne pouvait pas rester sans rien faire, pas alors qu’elle avait toutes les preuves nécessaires pour accabler son cousin, qui se vantait de ses actes en toute impunité. C’est avec l’envie de faire justice qu’elle passe finalement la porte du commissariat, gagnant automatiquement l’accueil qu’elle a tellement l’habitude de côtoyer. Et même si c’est mal et qu’elle ne devrait pas vouloir ce genre de chose, elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle aurait préféré être ici pour de banales agressions et des histoires d’harcèlement, même plusieurs. Tant que ce n’était pas pour un décès. Lorsque la réceptionniste tourne son visage vers elle pour lui demander ce qu’elle souhaite, Callie a du mal à parler. Les mots ne veulent pas sortir de sa bouche. Ils sont comme coincés. Alors c’est au prix d’un terrible effort qu’elle finit par murmurer : « C’est pour un dépôt de plainte. Est-il possible de gérer cela avec l’agent Sørensen ? » Elle espère qu’on ne lui fera pas répéter. C’est au-dessus de ses forces. Mais heureusement, la réceptionniste l’envoie s’asseoir sur les chaises positionnées non loin. Sorte de salle d’attente. Elle sait qu’elle va avoir du mal à rester assise sans rien faire alors que la colère lui brûle les entrailles et que la tristesse lui emplit le cœur. Mais pourtant c’est ce qu’elle va faire, attendant que celui qu’elle a fait appeler arrive pour venir la chercher. Elle fixe ses chaussures, tentant d’en détailler la plus infime parcelle. Mais rien à faire, ses pensées vagabondes ailleurs, vers des choses bien plus macabres qu’une paire de baskets. Heureusement, des bruits de pas se font entendre et Callie finit par relever la tête, afin de découvrir le nouvel arrivant. Peut-être une autre personne venue déposer plainte. Mais non, c’est l’agent Sørensen qui arrive pour venir la chercher. Elle sait qu’elle l’a déjà vu à plusieurs reprises, que c’est toujours lui qu’elle consulte pour ses divers dossiers. Mais en même temps, tout est différent. Rien n’a jamais été aussi grave que cette fois-ci. « Bonjour. » lui lâche-t-elle la gorge serrée, alors qu’elle tente de ravaler ses larmes. L’exercice est compliqué, mais elle tente de s’y tenir. Elle ne veut pas craquer, pas là devant tout le monde. Inutile d’embarrasser tous ces policiers qui voient plus d’une affaire comme celle-ci dans leur semaine.
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