Les grandes vacances passaient trop vite. Beaucoup trop vite. Etre assistante de Darville Junior, jouer sa copine, devoir rendre des comptes à quelqu’un, je n’ai pas l’habitude. J’ai appris que je partais pour Santa Monica trois jours avant la date. Le magazine pour lequel nous travaillions nous avait loué une villa et nous étions cinq-six à partir. Etant cardiaque, j’avais certaines restrictions au niveau de prendre l’avion mais vu que le temps était relativement court, j’ai pu partir sans soucis. Et après m’être bourrée de médicaments. J’avais envoyé un message à Novak avant de prendre mon vol pour l’avertir que je partais une semaine. Et je lui avais répondu une fois sur place. Avec une jolie photo de maillots de bain. Bien qu’il avait dû me voir en sous-vêtements un nombre incalculable de fois. Et dire qu’on ne couchait même pas ensembles. Je sortis mes Ray-Ban aviateurs pour les coller sur mon nez avant de suivre les autres. Le lieu de vacances était vraiment très spacieux et nous avions notre piscine. Mais, je préférai la plage donc je partis avec deux copines nous faire bronzer sur la plage. J’avais déposé mon téléphone pour ne pas qu’on me le vole et aussi parce que je ne suis pas très branchée technologie. Après deux heures à s’être fait dorer la pilule, on décide rentrer sagement à la villa où les  autres devaient nous attendre. Je balançai ma serviette sur mon épaule, chaussai mes tongs en véritable vacancière avant d’emboiter le pas aux autres. La musique était à fond et les autres étaient sur les transats à l’extérieur. L’un d’eux se leva, m’attrapa et m’envoya voler dans l’eau avec lunettes, serviette et tongs à la clé. Je nage jusqu’au bord avant de rester dans l’eau. On sonne à la porte. « Lulu, quelqu’un pour toi. » Je sors donc de l’eau sans aucune difficulté avec une certaine grâce pour une fois avant de regarder mes affaires qui flottaient à la surface. Je pousse donc mon agresseur avant de partir en riant, mouillée comme un petit chien. Je me dirige vers l’entrée sans prendre la peine de m’essorer. « Tiens, tiens, regardez qui a décidé de venir nous rejoindre au soleil, dis-je en esquissant un sourire en coin, ravie de l’identité de mon visiteur. »

Le travail ne s'arrête jamais vraiment, hors de question d'être injoignable, de laisser ton téléphone éteint ou déchargé, ou de le poser l'espace d'une seconde. Disponible, joignable, présent, tu n'as pas vraiment le choix. Et tu réponds toujours présent. Pourtant, à la proposition de Ludmilla, tu déboules dans le bureau de ton paternel pour lui annoncer que tu prends ton congé. Maintenant. Un, Santa Monica ne se refuse pas. Deux, vous devez rester crédible. Trois, on a toujours besoin de vacances. Quatre, inavouable, il se pourrait que la rouquine finisse par te manquer. Il y a un minimum d'alchimie entre vous, de quoi donner le change. Elle est drôle et maligne, et puis elle ne manque pas de charme, tu aurais probablement eu du mal à trouver meilleure fausse femme de ta vie. Parce qu'il ne faut pas compter sur toi pour en trouver une vraie, tu ne sais pas aimer. Et c'est clairement mieux comme ça. Quelques heures plus tard, tu t'envoles pour Santa Monica avec le billet laissé par la jeune femme, prévoyante au possible et parée à toute éventualité. Tu te sens soudainement trop prévisible. Une fois à l'adresse donnée, tu sonnes à la porte. Depuis ton poste, tu peux entendre un bruit monstre et des éclats de rire. On te laisse entrer, et tu n'as pas le temps de t'avancer dans la villa que Ludmilla se trouve prévenue de ta présence. La jeune femme apparaît, bikini et gouttelettes d'eau sur le dos. Pour ta part, tu portes un habituel jean sombre, peu t'importe la température, et un t-shirt gris des plus simples. Tes mains sont fourrées dans tes poches, et des lunettes de soleil couronnent tes cheveux. Un sourire étire tes lèvres à sa remarque. « L'invitation était plus ou moins irrésistible, et puis il faut bien que je te surveille. » C'est ce qu'on dit. Mais c'est la version à laquelle tu resteras fidèle. « De toutes manières, mon absence t'aurait beaucoup trop pesé, je m'en voudrais de te laisser déprimer. » Et dire que tout cela n'est que factice. Et qu'elle t'a giflé lorsque tu as évoqué l'idée que vous sortiez faussement ensemble. En même temps, tu aurais pu être plus subtil dans l'énoncée, mais la subtilité n'a jamais été l'une de tes qualités.

Alors que je suis les pieds dans l’eau, le soleil sur ma tête, je tente d’apprécier le moment. Pendant un instant, j’en oublie que je suis mourante, que bientôt je ne serai plus. Mercy tentait de m’aider car le traitement coûtait cher mais je me savais condamnée. Et pourtant je ne me suis pas sentie aussi vivante depuis des années. Depuis que j’ai mis les pieds en Amérique. En Slovénie, tout le monde était au courant de ma pathologie mais ça ne m’empêchait pas d’apprécier leur compagnie, de rire, de partager des moments de joie avec mon père. Puis, je suis venue ici et je me suis sentie en dehors du temps. Et il y a fallu que mon regard rencontre celui de Novak Darville. Je sais que pour lui, tout ceci n’est qu’un arrangement à l’amiable mais pour moi, c’est bien plus. Lorsque mes lèvres rencontrent les siennes, lorsqu’on joue au faux couple, je me sens vivante, désirée et femme. Après qu’on m’ait jeté dans la piscine, je repense à notre échange de textos. Je sais que je devrais lui dire. Je sais que je devrais l’informer de ma condition mais je ne voulais pas m’y résoudre. Pour cause que pendant quelques minutes, quelques heures, quelques jours, je n’étais rien que Ludmilla et non la mourante, celle qu’on allait enterrer. Face à lui, je me retiens de sourire. Je tente de me souvenir que tout ceci n’est qu’une façade. J’éclate alors de rire. Me surveiller. De quoi ? Je l’avais mis en garde par sms. « Hé les gars, dis-je, rangez les capotes, mon mec est là. » Puis, je me tourne vers lui, un sourire éblouissant sur le coin des lèvres. Je tente de me souvenir que c’est faux, que tout n’est qu’une façade mais je n’y parviens pas pendant un instant. Je voulais croire qu’il y avait au moins un être humain qui faisait battre ce cœur cassé. Alors, sans réfléchir, je le plaquai contre le mur juste derrière lui, mes lèvres sur les siennes. Je me savais trempée, je me savais sans doute trop fougueuse. Mais je m’en fous. Nous ne sommes plus à New-York, nous ne sommes plus forcés de faire semblant. « Putain mais prenez-vous une chambre, lança quelqu’un. » Je me détachai alors de Novak pour faire un doigt d’honneur au mec derrière moi. Trop vulgaire. Je passe une main dans mes cheveux trempés avant de m’humecter les lèvres. Je me remets contre lui avant de caresser doucement ses cheveux, sans cesser de le regarder. « Ai-je l’air de déprimer, amour ? Murmurai-je doucement à son oreille. T’es surtout venu parce que mon accent sexy et mon corps de déesse allaient te manquer. » Pour joindre mes paroles à mes gestes, j’attrapai sa main pour la mettre sur ma taille, sur ma peau dénudée, capturant de nouveau ses lèvres des miennes. Après tout, je suis Lulu Ivanovich, la très sexy et très sulfureuse.