I wasn’t actually in love, but I felt a sort of tender curiosity. - F. Scott Fitzgerald.
la fiche chronologique
9 novembre 1988 + Naissance du jeune Vitaly Markovitch Romanov, fils aîné de la famille. Surnommé affectueusement Vitya ou Vitalyk par les siens, ce bébé de la Saint-Valentin (faites le calcul, petits curieux) fut une très grosse surprise pour ses parents, et pas seulement en raison de son poids de gladiateur à peine sorti du ventre de sa mère. En effet, Mark et Irina, ses parents, n'étaient à l'époque que deux jeunes étudiants de l'Université d'État de Moscou, qui aspiraient tous deux à de grandes carrières. Ils n'avaient pas vraiment pris au sérieux leur idylle, qu'ils aimaient intimement qualifier d'éphémère. Force fut de constater qu'après leur petite soirée arrosée, Irina se retrouve enceinte. Un mariage forcé s'en suivit. Orthodoxes pratiquants, l'avortement était un sujet tabou, qu'aucune bouche ne s'aventurait à évoquer. Et puis, ce n'était pas une fin en soi ; à vingt-trois ans, il était temps pour les deux Russes de construire un nid familial, dictat d'une société ancrée dans un passé bienheureux.
9 novembre 1989 + Le monde assistait à la chute du mur de Berlin, symbole d'une Europe séparée, tiraillée entre deux blocs irréconciliables, semblait-il. Le petit Vitaly fêtait sa première année de vie, entouré de ses parents, de ses deux grands-mères et de son grand-père paternel, et tout le reste de la famille. Rien de très somptueux, car il ne restait pas grand chose sur les étagères des petites échoppes moscovites. Une lueur d'espoir dans les yeux de chaque des Romanov présents à cette célébration. On se disait que la situation allait s'améliorer.
17 février 1993 + Vitaly avait presque un lustre derrière lui (c'est-à-dire cinq années, pas une lampe). Même si une année le séparait de son entrée à l'école, il pouvait d'ores et déjà compter deux par deux et lacer ses chaussures. Ses compétences ne s'arrêtaient pas là, bien évidemment. La petite tête blonde était devenue un cauchemar ambulant, incapable de tenir en place... et surtout incapable de fermer son clapet. Il chantait à tue-tête, fortement impressionné par les comédies musicales diffusées à la télévision russe. Ce n'était pas Broadway certes. Néanmoins, les Russes se débrouillaient plutôt pas bien pour ce qui était de pousser la chansonnette. Irina était obligée de tempérer ses ardeurs, ce qui consistait souvent en des cris effrayants, à la limite de l'hystérie. Elle se tenait à se faire respecter au moins par son fils aîné, quitte à être devenue une femme au foyer. À part la force, la mère Romanova employait tout de même bien plus souvent les méthodes douces : elle emmenait son fils se défouler à la maison des associations du quartier, qui, à l'époque, était encore gratuite. Le communisme était encore omniprésent dans certaines sphères de la société russe, et les Romanov aimaient bien profiter de ce qui était gratuit ; comme tout le monde, en somme.
24 octobre 1995 + La petite tête blonde en était à sa deuxième année à l'école. Après une matinée en classe à faire de la grammaire russe, le bonhomme aux joues roses avait retrouvé sa mère à la sortie du bâtiment avec une grande excitation. Irina l'attendait nerveusement, la main posée sur son ventre déjà bien arrondi. Apparemment, les Romanov avaient fêté la nouvelle année aussi bien que la Saint-Valentin quelques années auparavant. Absent du tableau cependant, Mark Romanov. L'ingénieur spécialisé dans l'aérospatial avait disparu au cours de l'été, sans un seul mot. 1995 était une période sombre, où il n'était plus si surprenant de voir une personne se volatiliser comme Léo dans Charmed. Si ce n'est qu'à Moscou, disparaître était un mauvais présage. Le père de Vitaly faisait fi des rumeurs entourant son mari. Parce qu'au fond, elle croyait dur comme fer qu'il lui reviendrait ; qu'il serait là pour accueillir les deux petites filles qui allaient compléter la famille Romanov. Le visage impassible, elle se tenait droite pour accueillir son premier bambin. «
Maman maman ! J’ai été pris pour le spectacle du Nouvel an ! On m’a donné le premier rôle, tu te rends compte ? » s'exclama le garçon aux boucles blondes. Sur ses traits se lisait cette joie enfantine, à laquelle on ne peut que sourire en retour. La femme s'adoucit, en félicitant chaudement son garçon. Ce n'était pas la nouvelle qu'elle attendait, mais elle s'en contentait. Un moyen comme un autre pour distraire l'attention du garçonnet, qui ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur l'absence de son paternel à l'occasion. Mark Romanov leur reviendrait quelques semaines plus tard seulement ; en retard pour la naissance des deux princesses de la famille, mais à temps pour le spectacle de son fils. La raison de son absence ? Une enquête du nouveau bureau du KGB, concernant une sombre histoire de brosses à dents. On avait soupçonné le père de famille, à tort, de celer des produits américains sur le territoire russe, simplement parce qu'il était rentré d'un voyage d'études avec 20 brosses dans sa valise. Ah. Une anecdote, que le patriarche de la famille aimait bien raconter en embellissant son séjour dans les locaux de l'agence de sécurité russe, le mal étant fort heureusement passé.
17 août 1998+ Le blond avait dix ans, lorsqu'une nouvelle épreuve frappa les Romanov. Toutes leurs économies s'évaporèrent en un seul jour. Un seul mot du gouvernement russe, et ils avaient perdu des années de travail. Cinq bouches à nourrir, plus les grands-parents, autant dire que la période ne fut pas des plus joyeuses pour cette famille nombreuse. Comme beaucoup d'autres hommes russes, le père de Vitaly trouva en l'alcool un refuge, un soutien. Cela n'arrangea définitivement pas la situation, puisqu'il fut bientôt mis à l'écart d'un grand projet grassement financé par plusieurs des
nouveaux riches. «
Bon dieu, est-ce que tu vas t'arrêter de chanter un jour ? Tu me casses les oreilles Vitaly, on dirait que quelqu'un est en train d'étrangler le chat du voisin ! » Ce n'était pas une période prolifique pour travailler sa passion, et le fils aîné des Romanov le comprit bien assez vite, sous les commentaires cruels de son propre père. Il cultiva à l'abri de ses oreilles ce qu'il considérait être comme son talent. Après tout, sa belle institutrice le lui avait dit, alors le blond lui faisait confiance. Il intégra la chorale de l'église du quartier, là où il avait été baptisé, tout en continuant à participer de façon régulière aux spectacles (musicaux pour la plupart) organisés par son école.
17 août 2004 + Dernier cours, dernière sonnerie au mois de mai. La fin d'une époque, la fin de la tendre enfance. Un nouveau monde s'offrait au fils aîné des Romanov, bien plus rude et pervers que ce qu'il avait connu précédemment. Les mœurs se relâchaient sous l'influence extérieure ; l'
Américanisation de la Russie, comme on le disait affectueusement. Ce n'était pas pour déplaire à Vitaly, qui s'intéressait depuis bien longtemps aux États-Unis. Les récits des voyages de son père avaient bercé son enfance dans un premier temps. Puis il s'était mis à la littérature, aux films, à la musique. Mais aussi et surtout, c'était les comédies musicales qui retenaient son attention. Il s'agissait d'un univers absolument fascinant et fantasque, auquel il souhaitait de tout cœur appartenir. Le beau rôle, il le laissait volontiers aux deux chipies blondes qui lui servaient de petite sœur. Les affaires s'étaient arrangées chez les Romanov, grâce à la poigne de fer d'Irina, une femme qui savait tenir les siens finalement. Son père, de nouveau opérationnel et sorti définitivement de son alcoolisme, décida de donner un coup de pouce à la carrière de son fils. Ce n'était pas grand chose : des rôles mineurs dans des pièces de théâtre, doublure par-ci par-là. Cela permettait au blond d'ajouter de précieuses lignes à son CV. Par ailleurs, Vitaly prépara consciencieusement son départ en Angleterre pour une année entière. Il avait obtenu un financement auprès de l'Université d'État de Moscou, grâce un parcours sans faute durant de ses onze années à l'école (mais aussi et surtout l'appui de son paternel, dont il ne saura jamais rien). Une véritable opportunité pour le Russe, qui n'avait pas quitté son pays natal depuis sa naissance. Une année dans la capitale londonienne, à étudier le chant et l'art dramatique (ainsi que l'anglais, bien évidemment). Son année à Londres fut des plus tumultueuses : un premier amour particulièrement désastreux, la découverte d'une culture différente... Sexe, drogues et rock'n'roll, un bon résumé de son séjour dont Vitaly garde un souvenir mitigé. Il n'a pas eu de coup de cœur pour l'Angleterre, préférant largement traîner avec la communauté...
américaine de la capitale. Il avouera volontiers que cette expérience lui a permis d'évoluer et de prendre en maturité, tant sur le plan professionnel que personnel.
1er septembre 2005 + Le grand jour était enfin arrivé : Vitaly s'en alla, habillé de la tête aux pieds dans un bel uniforme, pour deux années... à l'armée. En effet, le service militaire étant une étape obligatoire pour chaque homme entre l'âge de 18 et 27 ans, il dut se résoudre à mettre sa vie et sa carrière entre parenthèses. Victime d'un bizutage brutal, mais une véritable institution chez eux, il réussit à survivre à toute la violence et à la cruauté de cette période. Cette expérience aura eu pour point positif de forger son caractère, d'une droiture parfois un peu extrême, néanmoins un garçon qui ne se laisse jamais marcher sur les pattes et qui assume parfaitement ce qu'il est. En parallèle des entraînements, il réussit à intégrer le très célèbre cœur militaire russe, connu pour ses représentations exécutées à la perfection. Vitaly fut honoré avec le grade de lieutenant-colonel, faisant la fierté de son grand-père paternel, combattant décoré de la seconde guerre mondiale et décédé quelques semaines plus tard. Durant cette période, il étudiait lui-même l'anglais durant ses heures perdues, dans l'objectif de partir faire ses preuves à l'étranger un jour. En effet, avant de partir pour l'armée, une diseuse de bonne aventure lui avait prédit un avenir fabuleux si Vitaly décidait de poursuivre un jour son aventure aux États-unis. Une prédiction qu'il épingla soigneusement dans un coin de sa tête, en vue de la réaliser un jour.
13 janvier 2008 + Arrivé pratiquement à sa vingtaine dorée, le blond poursuivit officiellement ses études à l'Université d'État de Moscou (qui l'avait précédemment envoyé en Angleterre pour une année). À contrecœur, les Romanov finirent par accepter la voie choisie par leur unique fils. Ce dernier s'engageait sur une pente très sinueuse, bien loin de la clarté scientifique de l'ingénierie aérospatiale. À la poursuite de ses rêves de gloire, Vitaly suivit avec avidité les cours de sa spécialité, tout en auditionnant pour diverses positions à pourvoir dans les comédies musicales produites localement. Il décrocha son premier rôle secondaire dans «
Casse-noisette », une production russe de 2009. Il y incarna
Fritz, le petit frère jaloux de la belle Clara. Belle, parce que la jeune actrice succomba au charme de son petit frère. Le fait que les deux sortent ensemble ne dérangea pas le public moscovite, qui suivit cette histoire avec grand intérêt (une amourette qui s'acheva très rapidement sitôt les représentations terminées). Il n'était pas rare de voir des couples se former dans ce cadre si particulier, où les intervenants se côtoyaient nuit et jour pour perfectionner leur mise en scène auprès du grand public. Succès phénoménal, «
Casse-noisette » et son casting se retrouvèrent à arpenter la Russie pour des représentations à guichet fermé. Sa première grande réussite, et pas des moindres.
15 octobre 2014 + «
C'est lui, c'est lui !! Regarde, c'est exactement le même que dans la dernière édition de Elle magazine. » Érigé au rang de starlette national, Vitaly enchaînait les grosses comédies musicales russes depuis :
la Petite Sirène,
le Comte de Monte-Cristo, la version russe de
CATS d'Andrew Lloyd-Weber. Tout semblait sourire au beau blond, qui profitait allégrement de sa popularité. Un système russe bien moins élitiste que Broadway, un moule dans lequel Vitaly s'était fondu sans aucun problème. Une belle gueule, blond aux yeux bleus, que demandait le peuple ? Rien, si ce n'est qu'il continue sur sa lancée, malgré toutes les heures de travail que cela représentait. Au lieu de trois années, c'était six années qu'il avait pris pour obtenir son diplôme universitaire. Épuisé physiquement et moralement, Vitaly ne se sentait néanmoins pas pleinement épanoui. Difficile de l'être, lorsque le cœur aspirait à autre chose ; à une autre scène. Broadway. La consécration de tout acteur. Il en rêvait. Une fois son contrat pour
CATS rempli, Vitaly plia bagage. Visa de travail en poche, il s'acheta un billet d'avion : one-way ticket to New York City. C'est durant ses premières semaines dans la ville qu'il rencontra ses futurs colocataires : Anna d'abord, lors d'un blind date désastreux ; puis Andrea, son meilleur ami, qui n'apprécie toujours pas que le Russe jette du sel à travers l'appartement pour chasser les esprits vengeurs.
16 février 2018 + Aujourd'hui, Vitaly jongle entre toutes ses obligations : professionnelles, personnelles. Il a beaucoup de mal à décrocher un rôle à Broadway, en raison d'un accent russe dont il n'arrive pas à se débarrasser malgré ses efforts. Son passé tumultueux de starlette semble bien loin à présent ; il n'est qu'un inconnu comme un autre ici. Rien qu'un autre homme qui aspire à monter un jour sur les planches de Broadway. Le Russe ne désespère pas. Il met toutes les chances de son côté, en continuant à espérant un jour rejoindre une grosse production, à l'image de ses colocataires.