The Heights, pas loin de chez moi, pas trop mal fréquenté, j'avais l'habitude d'y passer pour voir des potes ou simplement pour me balader. Et ce soir là, j'avais besoin d'air, la vie à la maison devenait un peu étouffante. J'avais passé quatre mois à me débrouiller seule, manger ce que je voulais quand je voulais et faire venir n'importe qui à la maison. La liberté totale. Mais ici, à Manhattan, je ne vivais pas seule selon mes propres règles. Entre mes mères et ma grande soeur, on peut dire que j'étais plutôt bien encadrée, et même si elles ne me donnaient pas vraiment des ordres, j'avais l'impression d'être sous leur responsabilité.
Enfin bref, revenons en aux Heights. Je marchais pour rentrer chez moi comme souvent quand j'avais besoin de me vider la tête et qu'appeler un taxi ne me faisait pas envie quand des éclats de voix presque familiers m'interpelèrent. Alors, à la manière d'une espionne, je me glissai derrière une voiture, la peur au ventre. Je savais très bien à qui appartenaient ces voix et valait mieux pour moi que ces types ne me tombent pas dessus. Quand on y repense, c'était une histoire plutôt amusante finalement. Il y avait trois types au fond de la rue. Pas très contents. L'un des types, c'était le frère de cette fille en cours avec moi. Et cette fille avait un copain. Avait parce que justement, je suis passée par là. C'était une soirée déguisée, il était en batman, j'étais en robin, il avait dit qu'il avait pas de copine, j'ai fait pareil, on a finit dans le même lit. Mais rien ne reste secret bien longtemps par ici et cette fille dans ma classe a finit par le savoir. Bref, j'avais fuit en Inde et maintenant qu'il avait refait le portrait de batman, il voulait s'en prendre à robin.
Sauf que voilà, seule, accroupie derrière ma voiture, pétrifiée face aux gars qui arrivaient à l'autre bout de la rue et à leurs grosses voix graves qui résonnaient dans la pénombre, je n'avais pas beaucoup d’échappatoires. Ne parlons même pas de la robe de soirée et des chaussures à talon que j'arborais jusque là fièrement... J'observai les alentours à la recherche d'une solution quand... là ! une fenêtre !
Je pris une sorte de petite roche dans ma main et la serrai jusqu'à avoir un peu mal. Je pris une grande respiration. Une. Deux. Trois fois. Et je jetai le caillou aussi fort que je pus avant de m'élancer vers la fenêtre ouverte.

-On nous jette des pierres !! s'époumona une voix horriblement menaçante au loin.

Je sautai à travers l'ouverture et tombai sur le sol dans un bruit sourd. Je me pétrifiai, la pièce était plongée dans l'obscurité mais de la lumière attira mon regard bleu. L'une des pièces semblait occupée, des paroles de chansons montèrent d'ailleurs à mes oreilles. Il y avait derrière cette porte un petit gars qui chantait tout seul. J'esquissai un petit sourire, partagée entre le rire et les pleurs.
Les voix au dehors s'éloignèrent et je compris que j'étais en sécurité pour le moment. Enfin... J'étais quand même allongée sur le sol, au beau milieu de ce qui ressemblait à un salon, chez un parfait inconnu. Enfin en même temps, si l'occupant de cet appart laissait sa fenêtre ouverte c'est qu'il souhaitait que les gens entrent. Logique, non ? Je m'appuyai sur un meuble pour me relever et réfléchir à un plan: je ne pouvais pas ressortir, c'était beaucoup trop risqué, mais mon hôte pouvait terminer sa chanson et débarquer dans la pièce à tout moment. Je n'eus pas besoin de penser plus longtemps, je devais prendre l'inconnu de cours.
Je m'avançai jusque devant la porte de ce qui était probablement la salle de bain et attendis qu'elle s'ouvre, plantée comme un piquet. Bientôt, la poignée pivota et je pus faire face à un jeune homme.

-[insérer ici le nom de la chanson] ? Moi aussi j'aime bien.

L'inconnu poussa un cri sûrement sous le coup de la surprise, je poussai un cri plus aiguë encore pour lui faire comprendre qui était l'patron. Ca se passait comme ça dans la jungle, je l'avais vu dans un documentaire.