" Bordel mais c'est pas possible !" J'en ai marre. J'en ai plus que marre. Ca fait bien deux heures que je tourne autour du quartier à la recherche de ce foutu serrurier. Et mon assurance qui ne répond plus. Okay il est midi mais tout de même. J'ai besoin qu'on me file mes clés pour rentrer chez moi. Après le treizième appel et donc message vocal, je m'avoue vaincu. Je ne vais pas retourner chez Jordan encore ce soir, j'ai besoin de mes vêtements, de mon chez moi. De ma péniche. Et pour ça, me faut mes clés ! Mais je ne peux pas avoir mes clés vu que l'assurance ne me répond pas et que je ne trouve pas l'adresse de ce foutu Serrur'express ! C'est pas possible que personne dans les passants que je croise ne connaisse cette boutique ? Bah visiblement oui. Je peste et râle encore un peu, m'écrase sur ce banc dans Brooklyn et me plonge la tête entre les mains. Il me faut ces clés au plus vite, j'ai ce fichu rendez vous cet après midi et je ne peux pas me présenter avec les vêtements dans lesquels je suis sortie vendredi soir. Ce n'est pas possible. Un acheteur potentiel qui pourra m'aider à acquérir d'autres photos, à pouvoir exposer plus d'artistes. Oui, j'ai besoin de cet argent. Et je ne peux pas y aller avec ces vêtements. J'en ai marre de répéter encore et encore les mêmes choses dans ma tête. Je regarde à nouveau mon téléphone, espérant qu'une divinité m'appelle pour me filer l'adresse exacte de ce serrurier. Un bip discret me sort de mes rêveries. Un nom sur l'écran. Ivy. Je souris jusqu'à m'en faire mal à la mâchoire avant de pianoter sur mon téléphone pour lancer un appel. J'attends quelques sonneries qu'elle décroche enfin. " Hey salut ! Ca te dit d'aider une blonde en détresse ? " Quelle belle entrée en matière. " J'suis paumée dans Brooklyn et je n'arrive pas à trouver le serrurier qui retient en otage mes clés, tu penses que tu pourrais m'aider ? " Voilà, l'appel est lancé.

keys don't always fit

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"Vous sentez quelque chose ?" Le dentiste posa un de ses instruments sur ta gencive, enfin tu le supposas puisque tu ne sentais absolument rien. Plus d'une semaine que tu avais une rage de dents et que tu souffrais comme pas possible. Plus d'une semaine que tu te bourrais de médicaments au lieu d'aller chez le dentiste, ce que t'aurais du faire depuis un moment. Et maintenant t'y étais, à moitié abasourdie par l'anesthésiant tandis qu'il s'arrangeait pour soigner ta rage de dents. Une carie, c'est ce qu'il avait dit, enfin c'est que tu avais entendu, enfin peut-être. Tout étais un peu flou dans ta tête là, t'étais même pas sûre de ton propre nom à vrai dire, t'étais trop groggy là. Une heure plus tard, ou est-ce seulement dix minutes?, le dentiste avait fini son oeuvre. "L'anesthésiant devrait arrêter de faire effet d'ici une petite demi-heure." te dit-il. Tu répondis en bafouillant, pas encore capable d'articuler normalement, on aurait dit que t'étais bourrée. C'était plutôt drôle en fait. Tu payas ton dû et quittas le cabinet, ton porte-feuille vide mais avec une cavité bien comblée - au sens littéral pour le coup. C'est alors que ton téléphone sonna dans ta poche. Merde, pas maintenant! pensas-tu. Et puis tu vis le nom de la personne qui t'appelais et tu fus encore plus désespérée. C'était Eden, une fille que t'avais rencontré sur Matchmaker et avec qui le feeling semblait plutôt bien passer. Vous ne vous étiez pas encore vues, ni même parlées au téléphone, seulement par messages. Et la première fois qu'elle entendrait ta voix tu sonnerais bourrée, parfait... Tu décrochas alors le téléphone et la laissa parler. Enfin, c'était plutôt elle qui avait parlé sans te laisser le temps d'en placer une pour le moment. Visiblement la pauvre était bloquée dehors parce qu'elle avait perdu ses clés ou un truc comme ça. Tout ce que t'avais compris en fait c'est qu'elle avait besoin de trouver un serrurier. "Ah ch'alut ! Dé'ch'olée pour ma f'oix, y'e ch'ors du denti'ch'te, y'ch'uis ch'ous ane'ch'té'ch'ie..." dis-tu assez maladroitement. T'avais beau essayer d'articuler bien comme il fallait, t'étais incapable de faire mieux. "T'es où e'kch'actement que y'e te re'y'oi'n'es ?" demandas-tu alors. "Y'e connais la f'ille par coeur, y'e trou'f'erais ton ch'errurier ch'ans problème!" t'exclamas-tu alors. Ouais, l'anesthésiant te rendait bizarrement... euphorique. Enfin, plus que d'ordinaire. Heureusement qu'il ne ferait plus effect très longtemps.

C'est un peu bizarre d'appeler une personne que j'ai rencontré sur un site de rencontre pour m'aider. J'en ai bien conscience mais je n'ai pas vraiment le choix. Et puis c'est un signe du destin si j'ai reçu un sms de sa part quelques instants auparavant. Oui, je préfère voir les choses comme ça. C'est trop tard de toute façon, l'appel est lancé. J'attends qu'elle décroche et lui explique rapidement la situation. Je ne vais pas perdre mon temps à faire la conversation pour en arriver à ce point là. Je trouve ça terriblement hypocrite. Enfin, c'est pas que je ne suis pas polie ou quoi mais je ne vais pas tourner autour du pot. Au moment où j'entends sa voix - pour la première fois d'ailleurs - je me demande si y'a pas un soucis sur la ligne. Parce que franchement, c'est assez incompréhensible. J'appuie un peu plus fort mon téléphone contre mon oreille et tente d'analyser les sons que j'ai entendu. " Oh merde. " J'éclate de rire lorsque je comprendre vaguement le mot dentiste et anesthésie. Je tombe vraiment au mauvais moment y'a pas à dire. Mais bon je dois bien reconnaître que la situation est amusante. pas pour elle, c’est sur. Mais pour moi ça l’est. Je tente tant bien que mal de déchiffrer ce qu’elle me raconte. Ma position. Je la lui donne brièvement en me servant des noms de rues autour de moi, espérant que ça suffise à ce qu’elle comprenne où je suis.

Posée sur un banc, j’attends son arrivée. De ce qu’elle m’a dit, elle ne devrait plus tarder. Première rencontre, généralement je stress mais là je suis tellement agacée par la situation que je suis plutôt impatiente de la rencontrer. C’est étrange, un poil contradictoire mais totalement grisant comme sensation. Cette adrénaline, ce soupçon d’inconnu. Oui, c’est quitte ou double. J’allume une cigarette histoire de rentabiliser les dernières minutes à patienter. Et puis aussi pour me calmer un peu. Ce pauvre serrurier n’y est pour rien. C’est mon assurance qui merde mais ça, je ne peux rien y faire. Bureaux délocalisés dans je ne sais quel pays d’Afrique du Nord, je ne vois pas comment je pourrais passer mes nerfs. Alors je prends sur moi. Oui, c’est ce qu’il y a de mieux à faire à n’en pas douter. Je finis le niveau de mon jeu sur mon téléphone lorsque je vois une tignasse brune arriver vers moi. Elle ressemble trait pour trait à la photo qu’elle a sur son profil MatchMaker alors ce n’est pas bien compliqué pour moi de la reconnaître. ” Ma sauveuse ! J’évite de te faire la bise je suppose ? “ Si ses dents sont encore douloureuses, le choc de ma joue contre les siennes ne va surement pas bien se passer.